Une intégration des « ressources » avec les TIC pour une formation en présentiel

Le cas du dispositif de formation professionnelle des Directeurs techniques des entreprises du spectacle de l’ISTS

Introduction

L’Institut Supérieur des Techniques du Spectacle est un centre de formation professionnelle continue dédié aux professionnels des techniques du spectacle vivant, basé à Avignon, dans le superbe cloître de Saint Louis.
Aujourd'hui, la coordination de la 8ème promotion des Directeurs techniques est amenée à réfléchir à une logique d'organisation et de rationalisation des contenus de sa formation fortement influencée par les TICTechnologie de l'Information et de la Communication.
Le responsable de la formation de Directeur technique des entreprises de spectacle, formation diplômante de niveau I, souhaite en effet bénéficier des formidables fonctionnalités offertes par les plateformes de formation à distance, les Learning Management System, au sein de son dispositif de formation en présentiel pour le partage des ressources ainsi à disposition de ses stagiaires.
L'enjeu de ce mémoire est de nourrir cette réflexion.
Nous nous détournons rapidement d’une attitude technocentrée vers une attitude anthropocentrée pour orienter cette réflexion autour de l’intégration des ressources reposant sur un dispositif technologique pour une formation en présentiel. En effet, l’outil ne fait pas la situation. Notre interrogation naît ainsi dans l’activité du stagiaire, avant tout professionnel du spectacle vivant.
C’est pourquoi, nous définirons dans notre première partie l’environnement dans lequel évolue le principal « acteur » de ce dispositif, le spectacle vivant et la formation. Nous préciserons et justifierons ensuite la problématique sur laquelle nous nous sommes concentrés : les conditions d’intégration des ressources reposant sur les TIC dans l’activité de formation des Directeurs techniques.

Après un détours épistémologique nécessaire sur la notion de ressources, nous nous intéresserons à leur statut dans les contextes des théories d’apprentissage et dans le contexte de la formation professionnelle. Puis nous élargirons notre approche des ressources à celle des ressources médiatisées pour comprendre d’une part les situations d’activités instrumentées et les démarches d’intégration des TIC en formation en présentiel, d’autre part le processus de conception d’un dispositif technologique et du scénario pédagogique.
Ces apports théoriques tracent les contours de la mise en place d’un dispositif technologique dédié aux ressources des stagiaires de l’ISTS, et dans lequel l’activité de recherche d’informations constituera le cadre de référence pour sa conception.

En dernière partie l’interview de chacun des stagiaires portera alors sur cette activité de recherche d’informations durant leur 4 mois de formation à l’ISTS, et dont l’analyse nous permettra de mieux la décrire pour mieux concevoir ce dispositif.

1 Le contexte

Né d’un besoin de formation des techniciens du prestigieux Festival d’Avignon, l’ISTS est une association créée il y a 20 ans, sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication ; il compte également parmi les membres de droit de son conseil d’administration, la Ville d’Avignon, le conseil Régional PACA et le Département de Vaucluse.
Son financement est ainsi assuré pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires par des subventions ; il bénéficie également du soutien de l’AFDASFonds d’Assurances Formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs dans la prise en charge du coût pédagogique des formations de ses stagiaires.
L’ISTS est régi par la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles. Il compte 16 permanents dont 4 responsables de formation et un directeur des formations, tous ayant une expérience professionnelle des techniques du spectacle avérée, en qualités de directeur technique, régisseur général, scénographe, éclairagiste, régisseur son, constructeur...
De part son histoire et l’origine professionnelle des personnes qui le constituent, les activités de formation et de conseil de l’ISTS s’inscrivent dans le monde du spectacle vivant.
Le projet de mettre en place un dispositif de partage de ressources nous conduit à décrire l’environnement dans lequel il doit s’intégrer. Nous allons alors dans un premier temps étudier le monde dans lequel ses principaux acteurs évoluent, celui du spectacle vivant et plus particulièrement celui de la technique, mais aussi celui de la formation professionnelle.

1.1. Le monde du spectacle vivant

« Spectacle vivant » est un terme récemment mis en honneur (fin des années 1990) dans les milieux du spectacle pour désigner en premier lieu un spectacle donné par des artistes se présentant directement devant des spectateurs, sans médiation [...] ; ce terme correspond à une tendance contemporaine à faire se renouveler les arts du spectacle les uns par les autres, à théâtraliser le cirque, par exemple, ou à introduire au théâtre d’autres formes d’art du spectacle (mime, jongleurs...). Chez certains metteurs en scène, il tend à se substituer au mot théâtre.Extrait du «Dictionnaire de la langue du théâtre», d’Agnès Pierron
Ce champ d’activité n’est pas clairement distingué dans la nomenclature utilisée par le Ministère de la culture et de la communication qui élabore les statistiques de la cultureLes chiffres clés de la culture 2006, Collectif, La documentation française, 2006 : sous l’appellation spectacle vivant comme nous venons de le définir, nous pourrions y associer les secteurs du théâtre, de la musique et de la danse. En ce sens, le Ministère se divise en départements, dont celui de la Musique, de la Danse, du Théâtre et du Spectacle (DMDTS). La Commission Paritaire Nationale Emploi Formation du Spectacle Vivant (CPNEF-SV), missionnée par la DMDTS, doit proposer les moyens permettant d’assurer le développement et la sécurité de l’emploi et de promouvoir la qualification et la formation professionnelle. C’est à partir des travaux et études menés par cette institution que nous essaierons de dresser l’ossature de ce monde afin de mieux en comprendre l’esprit qui anime les techniciens du spectacle vivant et leur formation professionnelle.
Car il s’agit bien d’un monde particulier, aussi petit qu’il puisse être au regard de l’ensemble des activités de notre pays ; d’une part en raison de son identité, d’autre part en raison de son mode de fonctionnement économique, tous deux bien spécifiques, presque « endémiques ». Ce monde vit en grande partie grâce aux subventions et en cela fait déjà entrevoir cette particularité économique mais aussi identitaire, particularité nourrie, elle, par la dimension créative commune à tout projet artistique dans lequel est inscrit chaque professionnel du spectacle vivant.

1.1.1. Sa structure, son économie

Le spectacle vivant représente près du quart des emplois culturels, deuxième employeur après le secteur des industries culturelles ; en 2004 il comptait 151 000 professionnels dont 121 000 bénéficiaient du régime prévu par les annexes VIII et X du règlement de l’assurance chômage des ASSEDIC, autrement dit des intermittents.

Le spectacle vivant est un monde composite qui regroupe des disciplines artistiques et des esthétiques différenciées : art dramatique, danse, musique, arts du cirque, arts visuels ou de la rue. Aussi, la branche rassemble une mosaïque d'entreprises, composée de grosses structures et d’autres plus petites aux économies fragiles et dépendantes du contexte socio-économique. Celles-ci produisent, diffusent ou accueillent des spectacles (parfois elles combinent ces activités), ou encore, offrent des prestations de services techniques.

Monde composite également, parce qu'il fait cohabiter des groupes professionnels qui forment des segments relativement étanches du marché de l'emploi et qui se définissent selon une combinaison de critères : la nature de l'activité individuelle (emplois artistiques, techniques ou administratifs), la forme d'emploi (CDI, CDD, contrats aidés, etc.), et la catégorisation professionnelle (cadres, TAM, ouvriers, employés).
Monde composite, encore parce que le spectacle vivant mobilise une multitude de métiers, soit près de 250 métiers répertoriés précisément dans une nomenclature définie par la CPNEF-SV. Certains occupent quelques milliers de salariés (musicien, comédien, machiniste, régisseur son, administrateur de production...), tandis que d'autres font référence à des spécialités rarissimes (danseur étoile, régisseur d'orchestre, plumassier, voilier…).
Monde composite toujours du fait de la cohabitation de deux secteurs aux logiques économiques spécifiques : l'un bénéficiant du soutien des pouvoirs publics ou des organismes professionnels, l'autre reposant sur l'initiative privée.
Monde composite enfin car on y observe une forte dispersion des revenus.

Ainsi le profil d’emploi se caractérise par une grande polyvalence, et les analyses de carrières professionnelles démontrent l’existence d’une démultiplication professionnelle et d’une mobilité très importante organisée autour d’un cœur de compétences, d’une activité principale. De plus, le spectacle vivant est traversé par des courants profondément novateurs qui demandent un réajustement permanent des compétences. Ces évolutions concernent la technologie scénique, les modes d’enregistrement, ou plus fondamentalement les esthétiques. Aussi les professionnels, et plus particulièrement ceux exerçant une activité technico-artistique, expriment-ils d’importants besoins de formation tout au long de leur vie pour nourrir les créations auxquelles ils participent.

1.1.2. Les techniques du spectacle vivant

Tous les professionnels du spectacle sont au service d’un projet artistique. En ce sens, la frontière entre les métiers artistiques et ceux relevant de la technique reste floue. Si le métier d’éclairagiste figure dans la nomenclature des métiers techniques, il n’en reste pas moins un métier de création artistique médiatisée par les matériels techniques que sont le jeu d’orgues et le projecteur !
Tout comme cette frontière entre le monde des techniques et artistique est floue, elle l’est également autour d’un seul et même métier. Cette particularité rend les études et statistiques sur ce sujet très difficiles à réaliser. En effet la profession est marquée par une forte mobilité ainsi que par une grande polyvalence des profils ; ainsi chaque emploi occupé dans ce monde composite participe de la construction des compétences complexes ainsi mobilisées et rend difficile le traçage du périmètre des métiers. Dans ce contexte on peut imaginer la tension générée par les interventions politiques qui visent à agir, entre autre, sur la formation, par la normalisation des formations et la régulation de leur accès, à contrôler des entrées dans le secteur par une redéfinition des diplômes et des formations habilitées pour répondre à la « professionnalisationEnquête CNRS-AIP, octobre 2005 » .
A travers les études menées par la CPNEF-SV, nous pouvons toutefois avoir un aperçu de l’organisation des emplois dans le spectacle vivant.
La CPNEF-SV les répertorie en 3 catégories, activités artistiques, activités technico-artistiques et activité de la direction, de la production et de la commercialisation, à l’intérieur desquelles sont également organisés 20 domaines.
L’activité technico-artistique est ainsi constituée des domaines de la régie, de la machinerie, des accessoires, de l’éclairage, du son, de l’audiovisuel, du décor, du costume, et de la coiffure/maquillage. Ce sont certains de ces domaines que couvrent les champs de compétences de l’ISTS autour desquels il propose ses services et décline son offre de formation. Celle-ci est organisée selon la nature de la formation. Voici son offre proposée pour la saison 2006-2007 :


Enfin, la prévention des risques est un autre domaine qui figure dans le programme de l’ISTS. Ce n’est pas un domaine tel qu’il est utilisé dans la nomenclature des emplois de la CPNEF-SV et qui désignerait une spécificité d’un emploi de telle ou telle catégorie. Il fait référence, au contraire, à un savoir transversal, une prise de conscience de tout un chacun ; l’activité des techniciens est la plus prédisposée à la prise de risque, en ce sens ce domaine s’est naturellement et indispensablement rajouté à l’offre de formation de l’ISTS. En effet, la montée en puissance ces dernières années de la réglementation en la matière, oblige les responsables d’encadrement ou simples techniciens à attester d’une formation spécifique en prévention des risques selon la nature de leur emploi et le degré de responsabilité pénale qui leur incombe. Cette obligation s’en suit d’une autre, celle, pour les organismes de formation souhaitant organiser ces formations, d’obtenir un agrément préfectoral.
Ainsi, l’ISTS propose dans ce domaine les formations suivantes et pour lesquelles il est ainsi agréé :


La plupart des techniciens du spectacle sont intermittents. L’intermittence est une forme d’emploi définie par un dispositif régi par les annexes VIII et X du règlement de l’assurance chômage des ASSEDIC, et qui prévoit les conditions nécessaires pour les professionnels du spectacle et de l’audiovisuel pour en bénéficier.
Tous les professionnels du spectacle, et plus particulièrement ceux dont l’activité touche directement au processus de création, techniciens et artistes, mettent en œuvre des compétences, des savoirs, des savoir-faire en vue d’une production unique, un spectacle, toujours différent à chaque représentation. Ainsi, le cœur de leur savoir-faire s’enrichit par l’expérience butinée à travers de multiples formes artistiques, elles-mêmes dispersées en France, à l’étranger lors des tournées internationales ; c’est précisément cette multitude d’expériences qui offre au processus créatif toute sa richesse.
La pratique des professionnels exige une réelle passion pour leur métier et le spectacle vivant en général, un intérêt pour le travail d’équipe, un goût pour l’aventure et les voyages.
L’enjeu de l’intermittence est là. Ce dispositif permet de mettre à profit des savoirs-faire d’individu au profit de la création. La formation professionnelle continue y occupe une place importante ; l’évolution des technologies et des esthétiques nous l’avons déjà dit, incite les techniciens du spectacle à se former tout au long de leur vie.

1.1.3. La formation professionnelle

L’ISTS […] s'inscrit dans le dispositif de la formation continue en accord avec les recommandations de la Commission Paritaire Nationale Emploi/Formation Spectacle Vivant.
Ce dispositif est l'outil permettant aux professionnels, permanents ou intermittents, d’acquérir, en cours d'exercice, les qualifications attendues par les entreprises du spectacle et ce au gré de l'évolution des pratiques et des technologies. Il leur offre également des choix de perfectionnement, de promotion, ou encore d'extension de leur champ de compétences, voire de réorientation.
La préoccupation primordiale de l'ISTS est de réunir les conditions permettant aux stagiaires de développer leurs aptitudes techniques en vue de leur implication dans la création
artistiqueProgramme de formation 2006 2007 de l’ISTS.


Le dispositif auquel l’ISTS fait référence, est prévu par la loi sur la formation continue créée en 1971. Les fonds nécessaires à son existence sont gérés par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). L’AFDAS est celui des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs. Pour bénéficier de son soutien, l’ISTS doit y demander le conventionnement de chaque formation pour lesquelles les stagiaires, relevant de l’AFDAS, peuvent ainsi demander une prise en charge de ses coûts mais aussi d’une rémunération pendant leur période de formation. Il en est de même pour tout organisme de formation proposant des formations susceptibles d’intéresser des ayants droit AFDAS ; l’AFDAS finance la formation, à la condition de l’avoir conventionnée, des stagiaires. L’ISTS entretient donc avec cet OPCA des liens étroits ; il est l’un des membres de son groupe de pilotage réunissant une fois par an des professionnels du spectacles qui répondent aux questionnements de l’ISTS sur les orientations pédagogiques générales, sur la forme des stages ainsi que sur la validité du contenu des enseignements.


Il existe 3 organismes de formation professionnelle aux techniques du spectacle sous la tutelle du Ministère de la culture et de la communication. Une majorité d’organismes privés s’offre donc aux techniciens du spectacle.
La plupart des techniciens considèrent pourtant que leur formation s’est faite « sur le tas », et l’expérience, la pratique sont au cœur de l’apprentissage. D’ailleurs l’exercice de cette profession s’inscrit à l’origine dans une pratique de bénévolat pour les trois quarts d’entre eux et cette énorme proportion reflète à elle seule l’importante dimension passionnelle, le goût pour l’expérimentation dans les pratiques de ces métiers.
De fait, le spectacle vivant est encore fortement marqué par une logique artisanale qui privilégie la transmission de savoir-faire en situation de travail. Cependant, la diversification des formes de spectacles et l’évolution des technologies, mais certainement aussi la réglementation davantage stricte en matière de prévention des risques, ont fait naître un réel besoin de personnels détenteurs de qualifications maîtrisées et reconnues.
L’apparition de la fonction de directeur technique dans les années 90 a été une des réponses à ces évolutions fortement en cause dans la complexification de l’organisation du travail.

1.2. La direction technique d’une entreprise de spectacle vivant

La fonction de directeur technique des entreprises de spectacle vivant n'existe, dans sa forme moderne, que depuis les années 90. Il est intéressant d’analyser la genèse de cette fonction pour en comprendre son enjeu dans le processus de production d’un spectacle et sa complexité, et, du même coup, l’enjeu de la formation des directeurs techniques.

1.2.1. Pourquoi une direction technique ?

Replaçons-nous dans l’histoire ; toute la production dans le monde occidental s’est caractérisée ces deux derniers siècles par une séparation des fonctions, donc une diversification des savoirs-faire ; tous les savoirs technologiques et la complexification des modes de production avec l’apparition des champs de connaissances de plus en plus pointus, vastes, séparés, ont été et sont encore le moteur de cette séparation des fonctions, elle-même moteur de la complexification des modes de production. Le besoin de coordonner les différents postes fonctionnels au service d’une productionLe terme ici de production est pris dans le sens de produit final mais aussi de son processus, de manière à ce que le produit final corresponde aux objectifs initiaux, a fait émerger et a développé les fonctions administratives et de coordination.
Du temps de Molière, le lien entre le responsable technique et le metteur en scène était un lien immédiat, avec la complexification de nos sociétés, ce lien s’est largement détendu.
Essayons de comprendre pourquoi il en est ainsi aujourd’hui, en définissant la « production » dans le spectacle vivant.
Dans le monde du spectacle vivant ce terme désigne à la fois :


En termes de fonctionnement, donc d’organisation des moyens de production, une production donnée se caractérise par son objectif, en général, créer un spectacle, par ses moyens, c’est-à-dire les compétences réunies et les options financières et logistiques retenues pour le réaliser, et enfin par son processus, lié à la "personnalité" des différents intervenants, c'est le mode opératoire dont l’organisation des moyens de mise en œuvre a pour objet d’obtenir le meilleur résultat, au moindre coût. C’est particulièrement ce dernier point qui concerne les techniciens.
Le processus de production tend à prévenir tout dysfonctionnement en mettant en jeu différents secteurs professionnels : secteur artistique, secteur administratif, secteur des relations publiques et de la communication, et enfin secteur technique. Ce processus met en jeu également la responsabilité de l’entreprise de production de spectacle qui ne se substitue pas pour autant aux responsabilités de chacune des personnes physiques.

Dans ce processus de production, la ou les entreprises mettent elles-mêmes en jeu leurs propres moyens :
- moyens financiers,
- personnels permanents,
- locaux et équipements,
- garanties administratives et légales pour l’accomplissement du projet.

Elles peuvent aussi contractualiser avec des personnes ou entreprises extérieures, voire encore sous-traiter, les missions qu’elles ne peuvent pas assumer par leurs propres moyens.

L’organisation fonctionnelle générale de la production nécessite la concertation entre les trois domaines d’activité et de préoccupation, ou domaines de compétences intervenant dans la production : l’artistique, l’administratif et la technique. Chacun a ses fonctions spécifiques, ses domaines de compétences propres, ses outils et modes opératoires particuliers, son langage et ses pratiques singulières. Pourtant l’action de chacun des domaines ne peut être menée qu’en fonction des actions des autres domaines.
Des liaisons sont donc nécessaires : échanges d’informations, études prospectives communes, évaluation collective de l’état d’avancements, contrôle permanent de l’adéquation de l’action de chacun avec les objectifs communs.
Ceci implique qu’une fonction particulière, de coordination et de contrôle soit assurée, particulièrement dans les moments où les liaisons, les échanges, les évaluations communes aux différents domaines sont les plus nombreuses : ce rôle est dévolu au directeur technique, véritable maître d’œuvre, à qui tous les domaines vont s’adresser, pour organiser le processus de réalisation de la production.

1.2.2. Son rôle, ses missions

Le directeur technique est chargé de la préparation, de la réalisation, de l’exploitation et de la coordination des activités techniques dans la cadre du projet artistique de l’entreprise. A ce titre il participe à la préparation des projets d’accueil ou des productions de spectacles, et à la mise à disposition des moyens techniques et humains nécessaires à la représentation. Il est également chargé de l’inventaire des équipements techniques, de l’hygiène et de la sécurité.

Ces missions lui confèrent la responsabilité de la cohérence entre les moyens et la mise en œuvre des objectifs dont il informe en permanence la direction, dont il fait parti, ainsi que de la sécurité.
Son rôle est donc d’être l’interprète permanent entre les artistes, la technique et l’administratif.


Le directeur technique doit avoir une vision synthétique, mais les savoirs requis se sont extrêmement étendus et sa polyvalence ne peut pas être exigée. Par contre ses missions nécessitent de savoir de quoi est constitué le champ de connaissances de chacun des employés qu’il encadre ; dans la hiérarchie, il est l’interprète du donneur d’ordre, qu’il soit metteur en scène, créateur lumière… A l’inverse, il rend compte auprès de sa direction des besoins requis pour atteindre les objectifs fixés. Le directeur technique analyse ainsi en permanence le processus afin d’identifier les différents intervenants par leur rôle spécifique dans la production, et s’interroge sur les dispositions à prendre pour que chacun puisse accomplir sa tâche en temps utile.


Concrètement des réunions techniques et réunions de « direction » font le lien. Elles sont inhérentes à l’organisation du processus de production qui constitue une connaissance fondamentale du directeur technique. L’optimisation de cette organisation repose sur la coordination et donc la qualité des échanges d’informations transmises en amont et aval. Ces échanges se concrétisent par des documents ; plus la qualité des documents est haute, meilleure sera la qualité du cadre de production, meilleures seront les prestations.


La formation des directeurs techniques en formation initiale peut être utopique ; même si certaines grandes écoles ont tenté et tentent encore de diplômer des ingénieurs méthodes qui, certes, ne mettront pas longtemps pour comprendre le processus de production dans le spectacle vivant, il n’en reste pas moins qu’une sensibilité artistique reste la substantifique moelle du lien entre la technique et l’artistique.
La formation professionnelle continue répond à cette exigence parce qu’elle s’adresse à des Hommes issus du monde professionnel du spectacle vivant. C’est pourquoi en 1996 l’ISTS a logiquement inscrit la formation des directeurs techniques des entreprises du spectacle vivant à son programme.

1.2.3. Les enjeux de sa formation

La formation des techniciens du spectacle en France est récente. Pourtant on diplôme les comédiens depuis la Comédie françaiseLa Comédie française date du XVIIe. ! Son enjeu majeur, que reconnaissent les centres de formation professionnelle continue, est que le spectacle vivant puisse conserver un droit de regard sur l’avenir de ses pratiques.
D’un point de vue sectoriel, il est important que le spectacle vivant acquière ses lettres de noblesse, une crédibilité, du moins une reconnaissance des autres secteurs.
La stratégie politique de l’ISTS s’inscrit à travers cet enjeu d’un niveau national mais aussi européen en participant aux programmes Leonardo et en constituant des partenariats avec des centres de formation étrangers.


Au-delà de l’enjeu politique, l’ISTS a mis en place la formation des directeurs techniques sanctionnée par un titre de niveau I inscrit au RNCP, et en partenariat avec l’Université d’Avignon depuis 2000, pour des raisons de carrière des directeurs techniques : en effet, pour pouvoir assumer des responsabilités, il vaut mieux y être préparé ; seul leur statut leur permet d’exiger les moyens d’exercer leur activité. Le diplôme atteste une classification socioprofessionnelle importante, c'est-à-dire une considération, une attestation d’un niveau de qualification que l’entreprise doit reconnaître et reconnaît aujourd’hui.


La formation a pour objet de permettre aux responsables techniques du spectacle vivant de développer les connaissances et les outils d'investigations et de planification dont ils auront besoin pour assumer en toute connaissance de cause les responsabilités liées à leur poste dans l'entreprise.Programme de la formation des directeurs techniques, ISTS (Annexe 2)
La formation de l’ISTS propose ainsi une base pertinente de fondamentaux qui répond à la complexité de la fonction de directeur technique. Cela précise l’organisation de la formation autour de thèmes génériques (Annexe 2), axes principaux d’activité de la direction technique. La maquette de formation se structure autour de séquences croisées et complémentaires, constitutives de l’approche d’une thématique donnée : théorique, pratique (études de cas), analytique et dialectique. Les cours sont classés en différents niveaux : les fondamentaux, les perfectionnements et les complémentaires, dans une déclinaison des contenus par différents intervenants qui abordent en continuité et en complémentarité un même thème. Cela se fait par des approches différenciées selon leurs prérogatives, leur domaine d’intervention ou leur statut. La philosophie générale de la formation est de réfléchir aux spécificités de la direction technique et d’apporter des éléments de réponse aux questionnements, ce qui relève généralement plus de la méthode ou de l’approche que d’une mise en application de technicité. Dans ce contexte de positionnement professionnel la formation propose aux stagiaires de se construire une méthode de travail, de s’approprier des outils d’analyse afin de développer des modes opératoires personnalisés, et d’asseoir leurs compétences et connaissances, pour substituer à une approche empirique une vision synthétique et maîtrisée de toutes les implications de la fonction.
L’évolution des comportements autour de la sécurité, conduit à poursuivre l’approche pédagogique par des cours et des interventions qui permettent de mieux gérer des situations en termes organisationnels ou relationnels, dans l’esprit de trouver des données techniques d’appréciation plutôt que de connaître uniquement les catalogues et recueils de textes réglementaires. Il leur est nécessaire de confronter les assertions des textes institutionnels généraux au particularisme du spectacle vivant, pour en apprécier les implications dans le rôle du directeur technique.
Les contacts avec les professionnels montrent également l’importance prise aujourd’hui par le champ sensible des ressources humaines ; c’est pourquoi la formation accompagne plus avant les stagiaires par des propositions en communication et relations humaines pour assumer les responsabilités de cadre du directeur technique, dans son rôle d’animateur et de gestionnaire d’équipe.

1.3. Un projet de dispositif technologique pour les ressources numériques

Tout comme le processus de production s’est complexifié et se complexifie encore, la formation et le monde de l’entreprise en général n’échappent pas à l’évolution technologique, notamment celle de l’information et de la communication. L’ISTS a vu naître son réseauTerme réseau pris dans le sens d’ensemble d’ordinateurs inter reliés. informatique vers 1998, pour lequel un serveurOrdinateur réservé au stockage des données via le réseau, ainsi qu’à la mise à disposition d’applications, et dont l’accès est contrôlé. Cette gestion se nomme « administration réseau ». dédié a été mis en place seulement la saison suivante. La mise en place et l’évolution de l’informatique à l’ISTS furent à l'instigation d’une personne ressource de l’équipe, occupant la fonction principale de responsable de formation. Sa mission d’administrateur réseau, et plus globalement de la gestion du parc informatique n’a été officielle qu’après que les pratiques informatiques liées à l’usage du réseau interne et externe (Internet) n’avaient été progressivement rendues inhérentes au fonctionnement de l’entreprise. Au-delà de l’incontournable usage de l’informatique dans la gestion et l’administration de n’importe quelle entreprise, cette personne peut s’apparenter à l’entrepreneur de Schumpeter qui, inscrit dans un processus d’innovation, prend un risque en proposant une invention « organisationnelle » pour laquelle il s’est placé en marge des normes établies, et qui a abouti à une innovation, la définition progressive de nouvelles règles ayant été entérinée par le nouvel ordre social issu de ce bouleversement (ALTER N., 2005). Aujourd’hui, son départ a contraint l’ISTS à externaliser le service informatique : un prestataire gère le parc des imprimantes, un autre celui de l’administration réseau et du parc de matériel informatique.
A l’ISTS, l’évolution des technologies et leurs fonctionnalités permettant à première vue l’amélioration de l’organisation de telle ou telle tâche, n’aboutit pas, paradoxalement, à une rationalisation de l’ensemble des tâches réunies. Ainsi, des applications logicielles se multiplient pour répondre au besoin de la comptabilité, puis, plus tard, à celui du secrétariat des formations etc. Cette tendance aboutit à une organisation générale loin d’être optimale, voire rationnelle : le logiciel de la comptabilité ne rend pas ses données compatibles avec celles utilisées par l’assistante des responsables de formation, ni par celles utilisées par l’assistante de direction, ni, encore, celles utilisées par moi-même. Une donnée, comme celle des coordonnées d’un stagiaire, peut ainsi se retrouver saisie sur 4 bases distinctes.

L’activité de formation a également pu trouver grâce aux TIC, les moyens d’améliorer sa qualité d’abord en terme organisationnel lorsque les postes de la salle informatique ont été mis en réseau, puis en terme pédagogique, l’informatique étant aussi l’objet d’apprentissage.

« Ils ont le matériel à disposition, la salle info est équipée, ça fait partie de la formation, soit ils connaissent, soit ils ne connaissent pas alors il faut qu’ils se forment à côté, seuls », telle est la réponse du responsable de la formation de Directeur technique, JLMNous nommerons ainsi le responsable de la formation de Directeur technique tout au long du mémoire , à la question sur les pré-requis en informatique de ses stagiaires. La maîtrise de l’outil informatique aujourd’hui est indispensable dans certaines pratiques professionnelles, comme celles du directeur technique. L’expérience professionnelle minimale exigée des candidats à la formation de Directeur technique sous-entendant celle en informatique et la mise à disposition des moyens rendent possible l’utilisation de cet outil, nécessaire pour la formation ; son apprentissage est rendu incontournable, sous forme d’autoformation, sans en faire explicitement parti du programme.
La mise en réseau totale du parc informatique, a ainsi fait naître l’idée chez JLM d’utiliser un espace partagé, réservé à sa formation, qui permettrait de mettre à disposition des stagiaires d’une part tous les documents de cours numérisés (documents sous Word, Power Point, ou PDF), d’autre part tout autre document utile pour leur formation, et plus globalement utile à l’exercice de la fonction de directeur technique.

Pour la première fois en 2003-2004, les stagiaires en Direction technique ont ainsi eu accès sur le serveur interne au dossier « Dir Tech ».

1.3.1. Le problème, source du questionnement

Ce dossier, accessible en écriture et en lecture, est organisé selon la nature du document. Dès le démarrage de la formation, JLM l’organise en cinq dossiers :
- un dossier cours
- un dossier compte-rendu
- un dossier études de cas
- un dossier documentation
- un dossier photos
Seul le dossier compte-rendu contient des documents réalisés par les stagiaires. Il s’agit d’une des évaluations de leur formation qui consiste à élaborer un compte-rendu, amélioré notamment par des références bibliographiques, d’un des cours que le stagiaire a préalablement choisi, et mise à disposition à l’ensemble du groupe une fois validée par le responsable de formation et l’intervenant de ce cours.
Un temps en début de formation est pris pour expliquer le fonctionnement et l’intérêt de cet espace : des documents sont régulièrement mis à leur disposition, avant, pendant ou après les cours, les stagiaires pouvant alors constituer eux-mêmes leur propre « bibliothèque » de documents pédagogiques (document de cours ou documentation générale) en copiant les fichiers qui les intéressent. En aucun cas ils ne peuvent être l’auteur de dépôt de fichiers ou de dossiers.

A défaut de pouvoir décrire l’utilisation de cet espace, aucun moyen ici ne permettant de savoir qui a copié tel fichier ou dossier, quand l’a-t-il fait, combien de fois, etc., un recensement des dossiers et fichiers enregistrés dans le dossier commun « Dir tech » et leur poids sur ces trois dernières sessions de formation nous permet de constater le détournement de l’outil :

Recensement des dossiers, fichiers et leurs poids, sur « Dir tech » sur 3 saisons
2003-20042004-20052005-2006
Nombre de dossiers1211142
Nombre de fichiers100252206
Poids total de « Dir tech »30,2 Mo38,1 Mo961 Mo


Le premier constat fait part de l’explosion la 3ème saison du nombre de dossiers créés et fichiers enregistrés, en dehors de ceux initialement mis à disposition par le responsable de formation (Voir Annexe 3 Arborescence des dossiers « Dir tech » sur 3 saisons). La règle d’utilisation initiale, dont le respect repose sur son énonciation orale et donnant l’exclusivité de l’organisation de ce dossier à JLM, n’a pas suffit à contraindre les possibilités ainsi laissées aux stagiaires de créer à loisir et sans limitation, dossiers et fichiers, de quelques natures qu’ils soient.


A l’origine, l’outil laissait déjà apparaître ses faiblesses :
- impossibilité de garantir la non-suppression, volontaire ou non, et la création des fichiers,
- impossibilité d’alerter de façon automatique de la mise à jour du dossier,
- impossibilité d’évaluer l’utilisation de « Dir tech »,
- limitation de la quantité des documents mis à disposition, à défaut d’avoir un moyen de recherche automatique.


Les failles de ce dispositif, liées au choix de l’outil, se sont vites agrandies et les problèmes ont été soulevés et par le responsable de formation et par le responsable informatique.


En effet, la préoccupation du responsable informatique est de l’ordre d’une part de la sécurité, d’autre part de l’ordre du fonctionnement, l’enregistrement des fichiers de n’importe quels types et d’une quantité illimitée étant possible.
Celle du responsable de la formation porte directement sur la dimension pédagogique du dispositif dont il n’est désormais plus maître du contenu relatif à la formation.


L’espace sur le serveur nous servait avant tout comme base de données. Nous y stockions nos comptes-rendus de cours, nos documents complémentaires (photos, recherches Internet) quand c’était possible nous récupérions les cours numérisés des intervenants et nous les mettions à notre disposition sur le serveur. Cet espace nous servait donc avant tout comme plate-forme d’échange, et nous permettait de ne pas trop encombrer nos disques durs. L’avantage de ce dispositif a permis de confronter nos différentes approches pour les recherches et aussi nos différentes perceptions des cours suivant l’intérêt et les connaissances de chacun [1].
L’intérêt du dispositif pour les stagiaires semble aller au-delà de celui imaginé par leur responsable de formation ; si la mise à disposition de documents par le responsable de formation a initialement pour objet d’individualiser l’apprentissage à travers la constitution de ressources personnelles réalisée par les stagiaires, le détournement opéré par les stagiaires de l’ISTS consistant à échanger, voire mutualiser des ressources, semble donner la dimension collective de l’apprentissage socioconstructiviste.

1.3.2. Une approche technocentrée

Malgré l’enthousiasme de ce stagiaire dans les possibilités d’échange et de confrontation, il nous paraît difficile d’imaginer une qualité d’échange des ressources en regard à la fois du nombre de fichiers disponibles et à la fois du désordre des dossiers, du point de vue du classement et de la profondeur de son arborescence (ANNEXE 3) atteignant parfois 8 niveaux.
Toutefois, la masse de fichiers et l’intitulé même de certains dossiers et fichiers (ANNEXE 3) révèlent une appropriation du dispositif par les stagiaires, comme le prévoit le processus d’élaboration de l’instrument par le sujet aboutissant inévitablement à un écart entre l’usage prévu, ici la constitution des ressources par l’apprenant, et l’usage réel (RABARDEL, 1995).
L’objectif que s’est donné le responsable de formation est-il inadéquat avec ce dispositif technique ? C’est la question qu’il s’est effectivement posée, selon une approche technocentrée ; la réflexion sur le dispositif technique et son usage repose ainsi sur l’outil lui-même, le dossier partagé sur le réseau, sans tenir compte de l’activité du stagiaire qui, pourtant, a prouvé une certaine efficience du dispositif.
JLM, au cours de sa formation de formateur réalisée deux années auparavant, a eu l’occasion d’assister à une présentation de la plateforme Claroline [2] ; JLM a ainsi rapidement fait le lien avec son problème de mise à disposition de ressources et les multiples fonctionnalités offertes par cette plateforme :
- gestion du contenu,
- gestion des utilisateurs,
- outil statistique de l’utilisation par les apprenants,
- outil de recherche par mot-clé.
Ces fonctionnalités, parmi tant d’autres, sont donc une solution ; le dispositif technique de mise à disposition des ressources pour les stagiaires de Direction technique de l’ISTS pourrait ainsi reposer sur une plateforme de formation, Claroline.
Dans cette perspective, JLM s’est donc rapproché de moi, n’exerçant pourtant pas, au sein de l’ISTS, ni des fonctions relevant de la pédagogie, ni celles relevant de l’informatique. Par contre, je terminais une formation en Ingénierie pédagogique multimédia.

1.3.3. Ma posture

J’exerce depuis 4 ans, à l’ISTS, les fonctions de chargée de l’information et de la documentation. Durant les 4 premières années de mon activité à l’ISTS, j'ai été assistante des formateurs. En plus de mes missions de secrétariat, j'ai développé le centre de documentation et "la diffusion de l'information" pour les adapter aux besoins des formateurs et des stagiaires. L'importance de ces deux derniers pôles a été à l'origine de la création du poste que j’occupe actuellement, où mes missions consistent principalement en :
- la gestion du centre de ressources pour les besoins de la formation dispensée à l'ISTS et pour les professionnels en place : le fonds documentaire couvre ainsi des domaines relevant du monde du spectacle vivant (technique, politique culturelle et économie, gestion…), de la formation, de la réglementation. L'espace documentaire est ainsi dédié aux stagiaires, aux formateurs, aux responsables de formation et aux professionnels du spectacle vivant,
- la diffusion de l'information en interne et en externe auprès des professionnels du spectacle et des institutions, sur les évènements et les actions de l’ISTS, tant sur les formations dispensées que sur les actions d’information (rencontres professionnelles du théâtres ou autres…), en collaboration avec le directeur pédagogique et l’assistante de direction.


En 2005 une réflexion sur mon ambition professionnelle, mon employabilité au regard de mes compétences, m’a conduit à suivre une formation dans le domaine des sciences de l’éducation, en y additionnant l’ingrédient informatique pour lequel mon intérêt rajoutait une corde de plus à mon arc ; j’y voyais en effet l’opportunité d’une évolution de mes fonctions à l’ISTS qui s’interrogera certainement, dans un avenir proche, sur les technologies de l’information et de la communication en formation.


Le problème de partage de documents pédagogiques rencontré par le responsable de formation en Direction technique a atteint le cœur des problématiques liées aux usages des TIC en formation. JLM, n’étant pas un « féru » d’informatique, a donc cherché naturellement une personne ressource dans l’équipe.
Dans ce contexte conjoncturel, l’intérêt de JLM croise le mien ; moi-même à la recherche d’une opportunité pour mettre en pratique mes connaissances acquises en Sciences de l’éducation, je répondais donc favorablement à sa demande d’aide à la mise en place d’une éventuelle plateforme telle que Claroline.

2 Problématique

2.1 Les enjeux d’un dispositif reposant sur les TIC

La mise en place d’un tel outil exige des moyens parce qu’elle nécessitera un investissement préalable en terme de temps et donc un assentiment de la direction de l’ISTS. C’est pourquoi, en m’entretenant avec le directeur des formations, je mesurais son enthousiasme pour ce projet et bénéficiais aussi de ses conseils en tant que professionnel du spectacle et en tant que professionnel de la formation.

2.1.1 Pour la formation des Directeurs techniques

L’organisation des ressources et les enjeux de la plateforme ont été les préoccupations du directeur des formations lors de mon entrevue informelle avec lui.
Méfiance, il faut éviter la dispersion et la tentation que représentent ces outils peu productifs. Sa vision sur l’intégration d’un dispositif relevant des technologies de l’information et de la communication révèle une méfiance à l’égard des nouvelles technologies en général tentantes mais finalement peu productives. Il me conseille d’aborder l’outil plateforme en adoptant une démarche prospective : sur le plan interne, quelle peut être l’action didactique de cet outil et de son exploitation et qu’est ce qu’on peut en faire ? quels sont les besoins, s’il y en a, des intervenants, des stagiaires ? de quelles ressources s’agit-il ?
L’inventaire des usages que l’ISTS pourrait en faire répondrait à la question d’exploiter ou pas l’outil. Si son intégration est effectivement opportune, la définition des objectifs et des modalités d’usage ne pourra se concevoir qu’à ce moment là ; les modalités d’usage doivent transcrire un mode de pensée, une attitude éthique, une attitude pédagogique.
La démarche critique du dispositif s’inscrira dans la toile de fond d’une période de test mise en place afin d’en assurer une qualité optimale.

Le directeur des formations me propose d’élaborer une démarche empruntée à celle du chef de projet où l’étude d’opportunité, de faisabilité, période test et évaluation sont programmées au préalable de tout lancement de « produit ».
S’il adopte une attitude très vigilante à l’égard des espaces d’expression libre que permet aussi la plateforme, c’est sans doute en raison d’une absence d’éthique dont les forums sur Internet font souvent l’objet. Par contre, l’enthousiasme dont il fait preuve vis-à-vis des technologies repose sur les potentialités de ce domaine émergeant que sont les TIC, en terme d’organisation, de rationalisation et d’exploitation des contenus.
Si l’outil, par son organisation, sa structuration, le vocabulaire employé pour dénommer les différents niveaux, les ressources, et surtout pour signifier le lien entre ces différentes ressources, enfin si cette organisation est claire, explicite, lisible, alors elle devient emblématique des implications de la fonction des directeurs techniques, c'est-à-dire que cela devient didactique ! Discours du directeur des formations

Si l’enjeu pour JLM s’inscrit davantage dans la dimension pédagogique où le stagiaire peut se constituer ses propres ressources pour son apprentissage, pour le directeur des formations, l’enjeu est didactique : l’organisation même des ressources peut être représentative des préoccupations des directeurs techniques ; l’excès de complexité de leur fonction, nous l’avons vu plus haut, nécessite le recours à des ressources relevant de domaines bien différents ; ce ne sont pas, et ils ne peuvent pas être, experts en droit social, ni ingénieurs en génie civil ou même docteurs es psychologie à la fois. Au-delà des ressources pédagogiques dont les stagiaires en direction technique ont besoin pendant leur formation et, plus tard, dans leur pratique, il s’agit aussi de schématiser la complexité de leur métier et donc de mieux les y préparer.
Comment alors envisager l’organisation des ressources et de quelles ressources s’agit-il ?

La plateforme est une réponse pour améliorer les échanges, le partage de fichiers ; tout comme le mail, même si les stagiaires sont tout le temps là, c’est fait au moment voulu. Ça permettrait aussi une relation avec les intervenants qui sont aujourd’hui tous équipés, Claroline peut développer cette relation. L’objectif est de centraliser les éléments, regrouper en vue d’échanger, en organisant les documents, et interconnecter les acteurs : les stagiaires, le responsable de formation, les intervenants et l’équipe ISTS. Le forum serait alors aussi accessible aux anciens stagiaires, et une partie « archive » serait distinguée d’une partie « en cours ». Une partie « VAE » peut être réservée au demandeur de la VAE et au référent/accompagnant Extrait d'une conversation avec JLM et moi-même autour de la plateforme Claroline, en juin 2006.
Les propos de JLM mettent, eux, l’accent sur la notion d’échange, de partage. Au-delà de l’objectif initial de mise à disposition de ressources aux stagiaires en formation, Claroline permettrait, d’après lui, d’une part d’élargir le cercle des acteurs du dispositif grâce à son accès à distance (via le réseau Internet), d’autre part d’offrir à ces acteurs un espace d’échange asynchrone grâce au forum.
L’approche de l’outil plateforme ici, correspond à une approche technocentrée où l’outil est une réponse à un besoin, au centre de la réflexion ; et l’usage des fonctionnalités qu’il offre est attendu face à une situation d’échange elle-même hypothétique.
L’outil est-il une réponse à un problème ? Qu’en est-il de ses fonctionnalités en regard de l’activité du sujet, ici le stagiaire ? Le dossier « Dir tech » sur le réseau n’était pas adapté aux contraintes du responsable en terme d’accès et d’organisation des données ; il a pourtant révélé une efficience auprès des stagiaires. Qu’en sera-t-il de celle de la plateforme pour les stagiaires ?

2.1.2 Pour l’ISTS

Elargissons notre champ de vision de l’enjeu de ce dispositif ; au-delà de son enjeu didactique, quel est l’enjeu, si enjeu il y a, pour l’ISTS ?
A cette question, le directeur des formations imagine aisément l’intérêt que peut représenter l’outil plateforme de formation ; en effet, dans sa mise en place il ne doit pas être exclus d’ouvrir l’accès aux ressources, aux espaces d’échanges, et autres fonctionnalités s’il y a, aux anciens stagiaires de Direction technique.
L’intérêt est double :
- assurer un suivi des stagiaires post-formation,
- observer l’évolution des besoins et des pratiques des directeurs techniques des entreprises du spectacle pour adapter les formations de l’ISTS.
Et bien plus encore, une plateforme estampillée « ISTS », où un grand nombre d’employeurs potentiels et de responsables d’équipe technique que sont les directeurs techniques seraient réunis pour échanger, puiser des informations, partager des savoirs…, est une belle aubaine pour la stratégie de communication de l’ISTS.
Mais fédérer des individus pour une même « cause » va-t-il être uniquement le fait de l’existence même d’un dispositif de type plateforme ?

2.2 Les difficultés

2.2.1 Le choix de l’outil : une plateforme de formation ?

Il est évident, certes, que l’outil technique est à l’origine du problème en ce qui concerne les possibilités de « tracer » les activités, d’alerter de la mise à jour de son contenu, l’absence d’outil de recherche, de moyen de sécuriser les documents…
Le remettre en question l’a conduit à s’interroger sur un autre outil, une plateforme de formation, Claroline.
Or, l’outil ne fait pas la situation nous dit clairement AUDRAN (2007). Les approches technocentrées où l’humain est au cœur du dispositif, ont conduit à l’échec beaucoup de projets (RABARDEL, 1995, LINARD, 1996).
Décider d’introduire un dispositif technique reposant sur les TIC ne se fera pas sans préalablement identifier les éventuels besoins, améliorations de certaines tâches, certains fonctionnements, suggère le directeur des formations.
Il suffit de s’attarder rapidement sur les quelques activités, soit celles observant une forte croissance, soit les nouvelles, pour imaginer l’opportunité de l’usage des TIC à l’ISTS :

Par ailleurs, les tutelles et les institutions qui financent l’ISTS exigent de plus en plus une justification de tel ou tel choix de formation et de son ingénierie qui se traduit, entre autre, par des critères de qualité de ses formateurs, d’évaluation de ses formations, de suivi des parcours professionnels de ses stagiaires. L’ISTS a ainsi recours aux curriculum vitae des intervenants, au recueil de données via des questionnaires, format papier, aux stagiaires.
Si ces « preuves » suffisent, pour l’instant, aux demandes de ses financeurs, l’ISTS n’y trouve pas, ou plus, de corrélation avec un dispositif pédagogique de qualité ; c’est pourquoi la formation de formateurs s’inscrira prochainement dans son programme.
De même, n’existent ni un dispositif de suivi des stagiaires post-formation, hormis celui reposant sur le contact par téléphone ou par mail réalisé par l’assistante de direction, ni une exploitation des données des questionnaires d’évaluation recueillis post-formations ; autrement dit, la mise en place de moyens ne permet pas pour l’instant d’optimiser et d’ajuster l’axe de progrès concernant le processus de formation vers lesquels l’ISTS s’est engagé dans le cadre de la démarche qualité.

Les activités de formations à l’extérieur, l’accompagnement en VAE, le suivi des stagiaires post-formation, l’évaluation des formations, la démarche qualité… font, ou feront tous appel, à un moment donné, à l’usage des TIC parce qu’elles relèvent d’une logique d’organisation et de rationalisation des contenus nous dit le directeur des formations.

Comment alors peut s’opérer le choix de l’outil, au-delà de l’usage en formation des Directeurs techniques au regard de l’étendue des possibles ?
Outre les Learning Management System (LMS) comme Claroline et bien d’autres, quels sont les autres outils, les autres technologies dont nous disposons aujourd’hui ?
Quand bien même la démarche prospective préconisée par le directeur des formations permettant le « recensement » des activités, voire des besoins, et des ressources pouvant jouir des potentialités des TIC, comment opérer un choix ?

2.2.2 L’organisation et le choix des ressources


L’enjeu de l’organisation des ressources est didactique puisqu’il schématise l’ensemble des domaines de préoccupations et donc la fonction des directeurs techniques. A quoi pouvons-nous nous référer pour élaborer cette organisation ?
Le contenu de la formation et le référentiel de compétences (Annexe 1) peuvent nous y aider ; le contenu présenté dans la plaquette de l’ISTS sous forme de modules (Annexe 2) indique les domaines de préoccupations du Directeur technique :

Le directeur des formations m’invite à prendre appui sur cette présentation.
Outre la dimension didactique sous-jacente pour le directeur technique en formation, cette présentation constitue-t-elle une approche opérationnelle pour le directeur technique en activité ?

Les ressources inhérentes à cette organisation sont choisies, pendant la formation des Directeurs techniques, par son responsable ; JLM met ainsi à disposition tel ou tel document, à tel ou tel moment de la formation. Si ce dispositif permet un suivi des stagiaires post formation, à la fin de la formation du Directeur technique comment alors envisager l’accès à ces documents ? Faut-il envisager une partie accessible aux stagiaires, et une autre accessible aux anciens stagiaires ? Comment s’articuleraient alors les ressources entre ces deux espaces distincts ?
Par ailleurs, les pratiques et les besoins évoluent ; en ce sens, si l’ISTS a pour ambition de fédérer un collectif de Directeurs techniques des entreprises du spectacle, il devra entre autre se donner les moyens d’assurer l’animation pour rendre dynamique cet espace d’échanges.
Son intérêt est sans conteste certain, un tel espace rassemblant des professionnels que l’ISTS a formés permet non seulement d’y suivre leur parcours professionnel mais aussi d’y mesurer l’évolution des préoccupations et d’adapter ainsi son offre de formation.
Toutefois, cet espace étant alors une véritable aide aux directeurs techniques, l’ISTS, financé par ses tutelles pour répondre de la formation continue et du conseil, pourra-t-il inscrire ce projet dans ses missions ?

L’ISTS inscrit également deux autres formations qualifiantes à son programme : la formation des Régisseurs de spectacle, et celle des Chefs machinistes. Le dispositif de partage des ressources en formation des Directeurs techniques s’intégrera-t-il, et comment, à ceux des Régisseurs et Chefs machiniste ? Comment seront gérées alors les ressources communes ?

Autant de questions embrouillent nos esprits. Par lesquelles commencer ? Laquelle nous permettra de dérouler un raisonnement qui nous conduira à comprendre leurs liens ?
Y en a-t-il un… ?

2.3 Synthèse d’une problématique pratique

Organisation des ressources et complexité de la fonction du directeur technique, choix de l’outil technique, activité des différents acteurs, enjeux post-formation, les autres formations qualifiantes à l’ISTS… comment s’articulent ces différents aspects dans notre réflexion et comment en tenir compte dans la demande initiale de JLM ?
Parce qu’il sera impossible de traiter la multitude des questions soulevées par notre rapide analyse, la suite du mémoire se concentrera sur la problématique liée à la situation de formation des Directeurs techniques.
Une fois que le dispositif didactique et pédagogique reposant sur les TIC prouvera son efficacité au sein de la formation des Directeurs techniques, nous pouvons supposer plus facile son intégration au sein des autres formations, à l’image du processus de l’innovation défini par ALTER (2005) où l’invention organisationnelle devient innovation grâce à la normalisation des nouvelles règles adoptées par le nouvel ordre social.
Les enjeux post-formation soulèvent des questions de l’ordre institutionnel. Si l’ISTS souhaite vraiment inscrire ce projet dans ses missions, il devra y consacrer des moyens plus conséquents, mais aussi être en accord avec sa mission. Malgré l’étroit milieu professionnel que représentent les techniques du spectacle vivant, des centres de ressources existent ailleurs en France et ce projet pourrait alors voir le jour grâce à des partenariats avec un ou plusieurs centres de formation.
Rapprochons-nous donc, même s’il n’est pas sans rapport avec ces questions mises en suspends, du problème de JLM.

Son problème, nous l’avons vu, peut facilement trouver une solution dans les fonctionnalités qu’offrent les plateformes de formation telles que Claroline. Or nous savons que l’outil ne fait pas la situation, une approche technocentrée serait vouée à l’échec. Réfléchir alors en adoptant une « attitude » anthropocentrée où les usagers, stagiaires, responsable de formation et formateurs sont au centre du débat, nous aiderait à définir les différentes dimensions du dispositif en jeu.

Les documents, fichiers numériques, sont les « ressources », elles-mêmes composants du dispositif, telles qu’elles sont perçues par le responsable de formation. Elles sont un des composants constituant le dispositif pédagogique dont l’objectif est d’intégrer le processus d’apprentissage en remplissant une fonction de structuration de la formation (BRODIN, 2003, p.24). Plus loin encore, la ressource n’est pas un objet indépendant, autonome et réutilisable mais devient une matière à recomposer, à synthétiser en fonction de sa compréhension et de ses priorités (BRODIN, 2003, p.24).
En ce sens, l’organisation et le choix de ces ressources reposent sur le rapport aux savoirs, la représentation de l’apprentissage et de ses techniques qu’a le responsable de formation, et à travers laquelle son dispositif pédagogique et didactique se dessine.
Si effectivement, comme le suggère le directeur des formations, l’organisation des ressources doit s’articuler autour des préoccupations des Directeurs techniques, elle n’a pas été envisagée de cette façon par JLM sur l’espace « Dir tech » ; jusqu’à présent l’organisation est en lien plutôt avec la nature du document, à savoir s’il s’agit d’un cours, d’une documentation que l’on pourrait qualifier de transversale à la formation, ou bien de documents réalisés par les stagiaires dans le cadre de leurs évaluations.
Sous quelles conditions alors l’organisation des ressources, qui doit a fortiori coïncider avec les préoccupations du Directeur technique des entreprises du spectacle, s’accordera-t-elle avec l’objet initial du dossier « Dir tech » déterminé par le responsable de formation ?

Nous avons l’assentiment du directeur des formations quant à l’étude du projet d’intégrer un dispositif technique au cœur de la formation des directeurs techniques, voire même à d’autres activités comme celle des VAE, le champ est libre.
Ce dernier ne nie pas l’intérêt que peut représenter la technologie, telle qu’une plateforme de formation, si elle reste au service de la formation des directeurs techniques.
Alors sous quelles conditions des ressources reposant sur les TIC peuvent-elles s’intégrer dans l’activité de formation des Directeurs techniques des entreprises du spectacle ?

3 Du concept de ressources à l'intégration des ressources médiatisées en formation

3.1 Des ressources dans un contexte de formation

3.1.1 Les ressources : définitions et catégorisations

Le terme de « ressources » a été déjà largement cité dans notre première partie du mémoire sans pour autant en préciser sa définition. Cette approche volontaire permet de révéler ainsi le sens que donne le responsable de la formation à la notion de ressources : ce sont des documents numériques, produits soit par les intervenants, soit par un auteur extérieur au dispositif de la formation, voire au contexte de formation. Enfin, des programmes et modèles de documents numériques constituent des outils, et donc des « ressources » à disposition des stagiaires.
Les ressources sont ici associées, et finalement réduites, au numérique et à des informations additionnelles dont peut disposer, selon ses préoccupations de formation et/ou de pratiques professionnelles, le stagiaire.

La journée organisée à l’ENS à Lyon le 19 juin 2003 sur La notion de ressources à l’heure du numérique, nous donne quelques clés pour la compréhension de ce terme dans le contexte de l’éducation et de la formation. On postulera que les ressources (parmi lesquelles les ressources numériques, multimédias) constituent une/des composante(s) du dispositif pédagogique, considéré comme une matérialisation de théories de l’apprentissage qui lui sont sous-jacentes ou que les dispositifs avec leurs composantes ressources sont des analyseurs des théories implicites qu’ont les formateurs de l’apprentissage, de leur rapport aux savoirs et des représentations qu’ils ont de leur rôle (BRODIN, 2004). Ce postulat n’est donc pas sans rapport avec les modèles d’apprentissage et la place que les formateurs accordent aux ressources. Nous y reviendrons plus loin.
Dans le contexte institutionnel, le terme apparaît depuis 1998 nous dit BRODIN (id.), pour l’associer, souvent avec celui de dispositif, à l’idée de nouveautés ; les ressources sont définies comme étant matérielles ou instrumentales (documentaires, numériques, disponibles sur l’Internet) et humaines de médiation (BRODIN, id.). Cette définition ne suffit pas, notamment parce qu’elle ne donne pas l’objectif des ressources, qui, selon les niveaux d’enseignement, ne jouent pas le même rôle et n’ont pas le même statut : tantôt assimilées à l’information quand elles sont une aide à la réalisation des cours pour les enseignants, tantôt un contenu même de formation, tantôt recouvrant toutes les ressources pouvant être utilisées par l’apprenant pour faciliter sa formationGlossaire du site de l'université de Bourgogne.

Selon l’approche, nous trouvons des catégorisations des ressources en éducation et en formation, essentiellement centrées sur l’apprenant.
Une approche descriptive classera ainsi les ressources selon leur nature et leur support : matériel, logiciels, personnel, données et procédures sont organisés pour constituer le système d’information et de communication, et donc des ressources, de la classe (PERRIAULT, 2002), ou plus généralement encore, données, personnes-ressources et ressources informatiques définissent de façon consensuelle aujourd’hui les ressources pour l’apprenant (POTHIER, 2004).
Selon une approche fonctionnelle, DEMAIZIERE (2005) associe « guidage » et « ressources », considérant le guidage comme toutes les formes que peut prendre l’intervention pédagogique facilitatrice. Cette forme dépendra du contexte d’apprentissage mais s’adaptera aussi aux ressources, c'est-à-dire ce qui peut être offert à chaque apprenant. DEMAIZIERE (id.) distingue, sur un principe de co-construction, forme et fonds de l’aide apportée à l’apprenant. FOUCHER (2004) partage cette définition mais fournit une liste exhaustive des ressources [qui] constituent avant tout une aide à l’apprentissage pour l’apprenant. Humaines, matérielles, méthodologiques, pédagogiques, spatiales/temporelles, informatives, et outils pour communiquer représentent ici sept grands types de ressources (id., p. 121).
Selon, enfin, une approche systémique, FOUCHER (id.) attribue leur existence dans l’usage qu’en feront les apprenants, pour en actualiser leur modalité d’organisation, les liens entres elles et tenter de trouver l’équilibre dynamique entre les usages, celui projeté par le dispositif et celui de l’apprenant dans sa complexité d’apprenant en cours d’apprentissage.


Dans le cas qui nous préoccupe, nous l’avons déjà évoqué, les ressources sont réduites à tous documents numériques, dont l’organisation dépend de la nature de l’auteur du document :

Rajoutons également que les documents produits par les formateurs, avant tout professionnels du spectacle vivant et donc formateurs « occasionnels », ne sont pas systématiques, et sont la copie exacte des contenus donnés en cours.

Du sens premier de « ressource », ce qui peut améliorer une situation fâcheuse (Dictionnaire LE ROBERT, 2006), nous passons aujourd’hui, plus ou moins selon l’approche, dans la catégorie du dictionnaire définissant ce terme comme moyens… dont on dispose…
Dans le champ de la formation, ces « moyens » font partie du dispositif matérialisant la théorie des apprentissages sous-jacente (BRODIN, 2004). Quel est alors le statut et ainsi la place accordée aux ressources par chaque modèle d’apprentissage ?

3.1.2 Le statut des ressources dans les modèles d’apprentissage

Nous résumeronsNous ne détaillerons pas les variantes des différents modèles. La conception générale de l’apprentissage suffit à répondre à notre question relative au statut des ressources les principales théories de l’apprentissage en distinguant :
- le modèle transmissif,
- le modèle behavioriste,
- et le modèle socio-constructiviste.
De manière synthétique, et partant du postulat consensuel définissant les ressources comme étant une aide à l’apprentissage pour l’apprenant, nous tenterons pour chacune d’elles, de définir la nature et le statut des ressources, directement en rapport avec leur conception de l’apprentissage.

Statut des ressources dans les modèles d'apprentissage
Théories de l’apprentissageConception de l’apprentissageNature et statut des ressources
Modèle transmissifLe savoir est au centre de l’apprentissage. La conception de l’enseignement est empirique, les savoirs étant entièrement objectivés. L’apprenant est neutre, le savoir transmis n’est pas déformé et l’enseignant sait expliquer clairement. La ressource pédagogique se limite aux savoirs médiatisés par l’enseignant. La méthode pédagogique est dite magistrale. Elle est adaptée si les apprenants sont attentifs et motivés (GIORDAN, 1998).
Modèle behavioristeLa conception de l’enseignement est également empirique ; l’apprentissage se fait par conditionnement. Il est une modification du comportement provoqué par les stimuli (renforcements positifs et négatifs) provenant de l’environnement, de l’enseignant. (La théorie de Skinner est à l’origine de l’enseignement programmé). La ressource pédagogique se limite aux savoirs médiatisées par l’enseignant qui sera attentif aux comportements observables du sujet apprenant.La pédagogie par objectifs consistant à découper les savoirs en niveaux croissants de difficulté, et les renforcements positifs et négatifs caractérisent ce modèle.
Modèle socio-constructivismeAu-delà d’une conception rationnelle, la conception de l’apprentissage relève de l’interactionnisme. L’apprentissage se fait par construction des activités mentales en interaction avec l’environnement. Le savoir n’y est plus objectif mais construit par l’apprenant.La psychologie cognitive, où diverses disciplines (neurosciences, Intelligence Artificielle, linguistique…) s’intéressent à la « boîte noire », inspire les pédagogies actuelles. L’environnement contraint et sollicite la structure cognitive du sujet à son équilibration.Les ressources désignent ici l’environnement dans sa définition la plus large possible : école, enseignant, matériel, sources d’informations, outils, co-apprentissage, monitorat. Environnement et activités mentales sont les composants de l’auto-construction des connaissances de l’apprenant.

Aujourd’hui on distingue deux grands ensembles de méthodes pédagogiques : les traditionnelles et les méthodes actives, souvent apparentées aux méthodes dites « actuelles » particulièrement marquées par la psychologie contemporaine. La relation entre élève et formateur est redéfinie et construite sur les interactions élèves/savoirs/formateur. L’un des aspects de cette mutation est l’émergence de réflexions didactiques.

De ce bref récapitulatif, nous avons défini les ressources au regard des modèles pédagogiques, ressources dont le sens singulier reflète une idéologie de la connaissance que LEBRUN (2002) liste de la manière suivante :


Ces deux derniers courants se distinguent du premier par l’importance donnée à l’action de l’apprenant, seul maître de son apprentissage. Sa structure cognitive va se modifier pour évoluer et donc s’adapter pour atteindre un équilibre perturbé par un conflit cognitif, processus appelé assimilation-accomodation par PIAGET (in RUANO-BORBALAN, 2001), principal représentant du constructivisme. Plutôt que biologique, VYGOTSKY (in RUANO-BORBALAN, 2001)adopte une conception sociale de l’apprentissage. Ainsi l’action du sujet sur l’environnement et les interactions sociales sont les composants du système de l’apprentissage. Le groupe, le tuteur, l’enseignant, les documents pédagogiques et autres sources d’information, les outils… sont tous des éléments autant importants les uns que les autres en interaction avec l’individu apprenant. BRODIN (2004, p. 31) y distingue les objets techniques, ou acteurs non humains, qui prennent sens par la manière dont l’individu les investit.

La formation des Directeurs techniques du spectacle de l’ISTS s’adresse à des professionnels dont l’expérience de terrain est d’au moins cinq années ; elle ne peut donc faire l’économie de leur passé, l’histoire de chacun façonnant ainsi leur propre schème résultat d’autant de structures cognitives que d’individus. Etudes de cas, échanges et débats caractérisent les situations pédagogiques de leur formation à l’ISTS et place ainsi l’activité du sujet au cœur du processus d’apprentissage. Les ressources dans cette conception ne se limitent pas aux documents pédagogiques de l’intervenant, à des documents bruts, et aux quelques modèles de documents pratiques à l’exercice leur fonction. Au contraire elles sont constituées de tous les composants de l’environnement de la formation : le groupe, les intervenants, le responsable de la formation, le centre de documentation, l’aménagement du temps et de l’espace, les outils, le matériel…
Le terme de ressources dans notre contexte n’offre pas un spectre aussi large que celui que nous venons de définir, mais renvoie davantage aux ressources cognitives, constituées d’informations, théories, concepts, procédures… dont la mobilisation efficace révèle la compétence du praticien (PERRENOUD, 1998).
Pour rapprocher notre réflexion de notre contexte, il semble intéressant d’orienter l’approche de la notion de ressources à la formation professionnelle ce qui pourra nous éclairer sur la nature et même l’organisation des ressources en formation professionnelle, et donc de leur dimension didactique

3.1.3 Approche didactique des ressources en formation professionnelle

Dans les tâches professionnelles impliquées dans la prise de décision distribuée dans un environnement dynamique […], les « savoirs en acte » construits par l’expérience prédominent sur les connaissances explicitées dans des textes (ROGALSKI, SAMURCAY, 1994, p. 35). De ce fait la transposition en didactique professionnelle concerne de manière indissociable savoir conceptuel et situations (id., p. 37).
Partant de ce constat, intéressons-nous à ces « savoirs en acte » et comment sont-ils intégrés dans les situations de formation professionnelle.

Le concept de "transposition didactique" dévolue à Y. CHEVALLARD (1994), répond de cette intégration dont le processus conduit à la transformation d'un "savoir savant" à un "savoir enseigné" (PERRENOUD, 1998).
Or la didactique est une science issue de l'étude de l'enseignement de disciplines, comme les mathématiques, à l'origine de cette science ; la transposition didactique est d'une part un processus cherchant à rendre "enseignable" un "savoir savant". Le "savoir enseigné" prend forme alors dans les manuels scolaires et dans les activités de la classe. La transposition didactique, d'autre part, est légitimée, originellement par la communauté des chercheurs, puis par l'institution, l'Education nationale.
Dans la formation professionnelle, la transposition didactique s'opère à partir de quels savoirs ? Et qui les légitime ?
Ces questions font naturellement écho avec la pratique professionnelle. La formation diplômante de Directeur technique des entreprises du spectacle fait référence plus qu'à une pratique à une fonction reconnue. Son titre la sanctionnant revêt un caractère officiel par son homologation par la Commission Nationale des Certifications Professionnelles. Plus encore, son contenu, et par-là sa légitimité, est débattu et avalisé par le cercle des professionnels en exercice convoqué par l'ISTS en comité de pilotage chaque année. Le savoir de référence doit être pertinent par rapport à la tâche concernée et pas seulement légitime par rapport à l'institution. […] La pertinence se tient du côté de l'épistémologie et de l'action (ROGALSKI, SAMURCAY, 1994, p.45). La profession elle-même est ainsi, en formation professionnelle, la principale source de légitimité du titre délivré par l'ISTS.

Sans s'attarder sur les désaccords pour énoncer les "savoirs" issus de la pratique professionnelle , nous nous interrogerons sur leur transposition didactique. ROGALSKI et SAMURCAY (1994) tentent de la "modéliser" à travers deux phases :


Le programme de la formation des DT, et donc les savoirs communs, a été ainsi élaboré au regard du référentiel de compétences de leur fonction (Annexe 1). Leur mise en scène à travers des situations de simulation ou des mises en situation réelle est tentante. Mais l’action pédagogique […] vise à définir des situations didactiques qui détachent au contraire les stagiaires de l’action hic et nunc dans sa spécificité, pour qu’ils se construisent une représentation de la logique de cette action. (id., p.57). En effet ces auteurs montrent à travers leur recherche qu'il est difficile d'abord de simuler une activité réelle sans échapper aux contraintes de la formation, puis, et surtout, de les concevoir comme produisant des connaissances transférables à des situations nouvelles (id., p. 65).
Il s'agira plutôt d'inventer des situations didactiques qui permettront de problématiser la logique des savoirs en acte (id., p. 66).
Par ailleurs, aux yeux des stagiaires, la pertinence de la situation didactique est également nécessaire ; elle sera acquise à travers l'identification de leur propre évolution au cours de la formation (id., p. 65).

Cet éclairage théorique rejoint les propos du directeur des formations lors de l'évocation du projet d'un dispositif de partage des ressources :

Si l’outil, par son organisation, sa structuration, le vocabulaire employé pour dénommer les différents niveaux, les ressources, et surtout pour signifier le lien entre ces différentes ressources, enfin si cette organisation est claire, explicite, lisible, alors elle devient emblématique des implications de la fonction des directeurs techniques, c'est-à-dire que cela devient didactique !
Le dispositif envisagé doit clairement trouver son origine dans l'activité humaine, cadre organisateur de l'interactivité technique (LINARD, 2001). Selon les théories constructivistes et interactionnistes, l'activité de l'apprenant est au cœur du processus d'apprentissage. LINARD (2001) s'est donc intéressée aux théories de l'activité pour en modéliser une spécifique au domaine de l'apprentissage[3] et révèle ainsi le rôle central du soutien à la motivation et à la (re)structuration mentale, dévolu à l'enseignant et au concepteur d'applications (id., p. 12).

La diversité des situations professionnelles, les formes d'emploi, la taille et la nature de l'entreprise de spectacle, les domaines d'activité du spectacle… sont autant de critères qui rendent très hétérogènes les profils des professionnels du spectacle se formant à l'ISTS à la Direction technique des entreprises du spectacle . Les "savoirs de référence", communs à tous ces profils, sont définis à travers les quatre modules du programme de leur formation :

- Santé, sécurité et conditions de travail
- Aménagement de l'espace de représentation
- Administration, gestion de production
- Gestion des ressources humaines et communication

Ils révèlent les grands domaines de préoccupations de la fonction de direction technique. Cette organisation pour les stagiaires, dont l'expérience dans cette fonction ou une fonction similaire, rappelons-le, reste significative, doit faire écho à leur pratique professionnelle, mais elle participe aussi à la mise en scène d'une connaissance élémentaire pour le directeur technique, et en cela l'organisation des ressources devient didactique.
Une organisation des ressources proche des domaines de préoccupations de la fonction de Directeur technique et un soutien à la motivation et à la restructuration mentale devront être des postulats de la mise en scène du dispositif technique sur lequel nous menons notre réflexion. Mais l'activité de l'apprenant reste essentielle. Ce dispositif technique se conçoit comme un dispositif qui devra s'intégrer à celui existant de la formation en présentiel. Après s'être intéressés à la question des ressources en formation, nous nous interrogeons sur le support dans sa dimension instrumentale : partant du dispositif existant, comment ce support s'intègre-t-il dans le processus d'apprentissage du stagiaire ?

3.2 Des ressources médiatisées

Dans la situation de communication telle que la situation d'enseignement ou de formation, PERAYA (1999) nous rappelle l'importance de la composante relationnelle en s'interrogeant sur sa nature dans des situations de médiations. En effet la médiatisation des contenus, processus de leur mise en scène pour le média, ne rend pas compte à elle seule de la situation de formation ; l'intentionnalité préside à tout apprentissage, l'activité de l'apprenant est au cœur des débats.
Le dossier informatique "Dir tech" à partir duquel notre réflexion s'est construite nous conduit ainsi à nous interroger sur la médiation technologique et donc sur l'outil en tant qu'instrument pour le stagiaire dans la situation de formation, ainsi que sur les éventuelles spécificités de la médiatisation technologique des scénarios pédagogiques.

3.2.1 L'instrument technique : une vision anthropocentrée

RABARDEL (1995) a modélisé les situations d'activités instrumentées dont le point de repère s’inscrit dans une approche psychologique des techniques et des artefacts, en analysant le processus de genèse instrumentale : l’appropriation est le processus par lequel le sujet reconstruit pour lui-même des schèmes d’utilisation d’un artefact au cours d’une activité significative pour lui (id.). Et plus particulièrement la médiation technologique met en œuvre, pour l’utilisateur, des processus d’appropriation sociale de l’outil qui transforment celui-ci en instrument selon l’approche cognitive des technologies. Autrement dit encore, le sujet s’approprie un artefact, alors instrument, en tant que moyen qu’il associe à son action. RABARDEL (id.) modélise ainsi les situations d’activités instrumentées à travers les relations de trois pôles, celui du sujet, de l’instrument et de l’objet sur lequel le sujet agit. L’instrument constitue un univers intermédiaire dont la caractéristique principale est d’être adapté à l’objet et au sujet, adaptation en termes de propriétés matérielles mais aussi cognitives et sémiotiques en fonction du type d’activité dans lequel l’instrument s’insère. Dans la genèse instrumentale, le détournement fait donc aussi parti des activités d’élaboration d’instrument par l’utilisateur. L’appropriation du dossier « Dir tech » par les stagiaires ne s’est pas révélée être celle imaginée par le responsable de la formation et nous pouvons en tirer deux conclusions :


LINARD (2001) dont les travaux de recherche se concentrent sur les interactions homme-machine , rejoint RABARDEL (1995) en accordant la priorité à l’activité humaine dans toute analyse de situations médiatisées, et plus particulièrement celle de l’apprentissage. Elle aussi propose un modèle, « HELICES », modèle constructiviste et interactionniste de l’activité qui vise à offrir des repères pour une conception intégrée des environnements éducatifs. […] Les objets, fonctions et outils sont conçus et mis en scène pour accompagner et provoquer, non superviser, la prise de conscience et l’autocontrôle de ses actions par l’apprenant (LINARD, 2001, p. 1). LINARD (id.) pense en effet que les raisons théoriques et épistémiques sont davantage à l’origine des difficultés d’intégration des technologies en éducation que celles techniques. Et quand bien même le complexe processus d’apprentissage n’a pas été et ne pourra être probablement jamais décelé malgré la formidable avancé qu’ont permise les sciences cognitives, il ne constitue pas à lui seul la difficulté de conception d’interface pour apprendre ; en effet, nous dit-elle, la connaissance, état subjectif interne, ou encore espace-problème, peut se décrire et se comparer mais elle ne peut pas se stocker ni s’échanger. Cet état de connaissance individuel ne peut que se modifier et se tester par ses conséquences observables (id., p. 2). Il s’agit donc bien, pour ce modèle, de donner des principes pour la conception d’interfaces qui aident les apprenants à structurer et à piloter leur activité.
Nous reviendrons plus loin sur ces principes et retenons que les postulats de ce modèle rejoignent ceux de RABARDEL (1995) : il faut accepter que le logiciel ne soit qu’un instrument parmi d’autres, qu’il fasse parti de l’environnement et qu’il nécessite une interaction humaine.

Les activités avec instrument renvoient à la notion de médiation, ou de média. PERAYA (1999) s’est efforcé d’en éclairer le terme nécessaire à l’analyse de l’éventuelle innovation qu’apporterait notamment Internet. Il emprunte à ANDERSON (in PERAYA, 1999, p. 2) la définition de « média » : Un média est une activité humaine distincte qui organise la réalité en textes lisibles en vue de l’action. Là encore, l’humain prime sur la technique. PERAYA (1999) va plus loin en définissant la notion de dispositif qu’il est intéressant d’énoncer en raison de l’usage qu’il en est fait dans notre situation où finalement nous sommes à la recherche d’un « dispositif pour les ressources » : un dispositif est une instance, un lieu social d'interactions et de coopérations possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d'interactions propres. L'économie d'un dispositif – son fonctionnement – déterminée par les intentions, s'appuie sur l'organisation structurée de moyens matériels, technologiques, symboliques et relationnels qui modélisent, à partir de leurs caractéristiques propres, les comportements et les conduites sociales (affectives et relationnelles), cognitives, communicatives des sujets (PERAYA, 1999, p. 3).
Le dossier « Dir tech » et son interface limité ne laisse en rien présager son fonctionnement, ni même son intention. Il est un outil « satellite » du dispositif de la formation des Directeurs techniques.
La conception d’un tel dispositif doit prendre naissance à travers les préoccupations de l’apprenant, à l’origine de sa motivation et son intentionnalité, et non les formidables potentialités offertes par les TIC, même si elles en enrichiront sa conception.

L’instrument est le média, outil intégrant l’activité même du sujet. La conception d’un média doit donner alors la primauté à l’activité humaine. Et par ce point de vue, l’outil désignera les dimensions autant matérielles et techniques que socio-cognitives et sémiotiques du dispositif.

3.2.2 La conception de dispositif technologique

La médiatisation qui désigne le processus de création de tels dispositifs, consiste en la scénarisation des objets pédagogiques, qui ne se limitent pas, bien que fondamental, au contenu. PERAYA (2005) rappelle la diversité des objets pédagogiques qu’il est possible de scénariser : un contenu élémentaire, une activité d’apprentissage ou toute autre dimension d’un dispositif de formation, gestion, information, communication, collaboration, assistance p. 7). Il rappelle également l’évolution extraordinaire des fonctions qu’ont mises à disposition les TIC, notamment celle de production grâce à l’interactivité homme/machine, et qui, de ce fait, ont permis de médiatiser au sein d’un dispositif unique toutes les fonctions qui normalement étaient éclatées entre différents sous-systèmes souvent peu, voire pas instrumentés (p 3). Dans notre contexte, JLM souhaite adopter pour son dispositif une plateforme de formation de type Claroline, séduit par la multitude de fonctions qu’elle offre ; même si cette vision technocentrée est réductrice dans le champ de l’analyse, ce désir a au moins le mérite d’explorer les potentialités offertes par les TIC au regard des « sous-systèmes » du dispositif existant. En effet, le dossier « Dir tech » tel que JLM l’a conçu, devait couvrir la fonction d’information par la simple mise à disposition de fichiers correspondants à des documents bruts et pédagogisés ; or certains de ces documents disponibles dans ce dossier l’étaient également dans un autre dispositif, le centre de documentation. Ce détour vers notre contexte que nous venons d’opérer souligne l’importance d’une vision très générale nécessaire à l’intégration des TIC dans un dispositif existant. En effet, pourquoi légitimer un dispositif se superposant à un autre ? Pourtant cette démarche qualifiée d’additive ou complémentaire, orientée vers la mise à disposition d’un complément « informatif » (CRETIN, LAID, 2004, p. 4) aux cours en présentiel, peut, sous certaines conditions, s’avérer efficace de l’intégration des TIC en formation : il s’agit alors de mettre à disposition des apprenants un complément d’information aux cours et non pas de transférer à l’identique le contenu du cours (id., p. 4), et c’est l’enseignant lui-même alors qui choisit les éléments à mettre à distance, soit avant, soit après le cours en fonction des questions soulevées ; cette méthodologie renvoie aux théories modernes de l’apprentissage caractérisées principalement par la prise en compte de l’apprenant ; cette démarche additive fonctionne comme une partie du cours que le formateur appellerait : « pour approfondir », mais c’est aussi un point de repère pour des apprenants qui veulent valider ce qu’ils ont compris ou approfondir un concept particulier. Un site conçu dans cette optique ne remplacera pas le cours présentiel : sans cours classique, cette démarche n’a pas lieu d’être. De plus ici, l’intervention humaine est plus importante en terme de transmission de savoirs que le site Web. En somme, l’exploitation de ce type de site s’inscrit dans un processus général d’apprentissage dont la partie en ligne s’appuie fortement sur la partie en présentiel. C’est une forme d’hybridation où la partie en ligne est un complément pédagogique et informationnel de la partie en présentiel (CRETIN, LAID, 2004, p. 5, 6). C’est bien l’objet que JLM a donné initialement au dossier « Dir tech » ; il souhaite désormais utiliser une plateforme de formation parce qu’elle offre d’autres fonctions : une fonction collaborative, une fonction de communication par le biais de forum de discussion, etc. Or la formation des Directeurs techniques est une formation se déroulant en présentiel et en continue à l’ISTS. Pourquoi alors la mise en place de ce type de fonctionnalités se justifierait-elle ?
Nous nous efforcerons d’identifier, alors, les conditions d’intégration des TIC à travers une démarche additive.

Ce point éclairci, concentrons-nous maintenant sur le processus de création d’un outil reposant sur les TIC. L’activité de l’apprenant, autrement dit le processus de l’apprendre est au centre des problématiques. Les TIC ne sont qu’un artefact au service de l’apprentissage ; quoi de plus naturel alors de les considérer comme une aide, rappelons-le encore, à la structuration et au pilotage de l’activité de l’apprenant. Nous disposons de plusieurs modélisations pour aider les concepteurs de dispositifs technologiques ; LINARD (2001) propose ainsi, à travers le modèle HELICES, un cadre organisateur commun à la compréhension de l’activité en général, à la formalisation de l’apprentissage et à la conception des systèmes à buts de formation (p. 7). Croisant les différents niveaux de l’activité[4] et ses phases de pilotage, à savoir l’orientation, la qualification, la réalisation et l’évaluation, le schéma cyclique du parcours de l’action fait apparaître un cycle évolutif auto-piloté de début à la fin par des sujets interagissant avec des objets qui se transforment à partir de leur propre résultat (id., p.10).

Parcours type d'une activité (LINARD, 2001, p.10)

Cycle de l'activité (LINARD, 2001, p.10)

Appliqué à l’apprentissage, le modèle met en exergue un parcours jonché d’obstacles pour l’apprenant mais qui permet aussi l’identification rapide des difficultés ; de plus, et surtout, il invite à définir le dispositif technologique comme étant un compagnon de l’activité ; à cet effet, LINARD (2001) qualifie le dispositif de narratif, où l’utilisateur peut intervenir, à loisir, dans le récit et réparer ses erreurs ; c’est en ce sens que l’interactivité est une fonctionnalité des technologies ainsi intéressantes pour la conception de dispositif d’action. En tant que dispositif narratif, chaque écran devient un espace de représentation symbolique à mettre en signes et en scène en fonction des objectifs et des besoins de l’apprenant à ce moment précis de son parcours. L’arborescence des écrans est conçue comme un découpage du scénario rédigé du point de vue de l’apprenant. Elle décrit qui fait quoi, pourquoi, quand et comment, au triple plan simultané de l’espace tâche, de l’espace problème et de l’espace navigation (id., p. 12). Ces trois domaines que manipule l’utilisateur, la tâche, la navigation et l’apprentissage s’inscriront dans la toile de fonds du cadre sémiotique du dispositif à concevoir. A ce titre, ils seront alors traités comme les trois dimensions d’un espace cognitif unique à structurer par une mise en scène et un dispositif d’action adaptés à sa fonction précise dans le cycle de l’activité d’apprentissage (id., p. 14).
Le dispositif met ainsi les moyens à disposition d’une activité d’apprentissage dont le résultat du processus de conception est le scénario pédagogique (BRASSARD & DAELE, 2003). Le scénario et la structuration hypertextuelle des contenus sont interdépendants (SIMONIAN, 2006), et déterminent finalement l’organisation des contenus. Quel scénario peut convenir alors pour un contenu comme étant plutôt une ressource au sein d’une activité d’apprentissage, plutôt que l’activité d’apprentissage même ?

3.2.3 La conception d’un scénario pédagogique

D’un point de vue général sur la conception de scénario pédagogique, BRASSARD & DAELE (2003) proposent un outil conceptuel pour guider les enseignants et pour lequel ils ont établit dix-sept dimensions de la conception d’un scénario pédagogique ; ce large champ amène les enseignants à traiter des questions très générales mais nécessaires à l’intégration des TIC : ils anticipent ainsi les problèmes technologiques, organisationnels, pédagogiques et institutionnels [5] pour opérer ensuite des choix pédagogiques pour la conception de scénarios. La figure ci-dessous reprend les 17 dimensions proposées ainsi que les continuums sur lesquels l’enseignant peut se positionner et effectuer un choix pour son scénario. Par souci de clarté, elles sont organisées en quatre catégories :

17 dimensions pour concevoir un scénario pédagogique – (BRASSARD & DAELE, 2003, p.4)

17 dimensions du scénario pédagogique (BRASSARD & DAELE, 2003, p.4)



SIMONIAN (2006) nous éclaire quant à la particularité de l’organisation des contenus dans leur structuration hypertextuelle . Celle-ci dépend de l’activité d’apprentissage spécifique (compréhension de contenu, résolution de problème) ; or, si le dispositif technologique de l’ISTS consiste en un système d’information s’appuyant sur les cours en présentiel, autrement dit si le contenu du dispositif s’inscrit comme une ressource au sein d’une activité d’apprentissage, il s’agit d’articuler les différentes ressources au sein d’un réseau du côté du concepteur pour favoriser des approches différenciées et permettre à l’apprenant d’exercer des relations entre les différentes unités constituant le corpus de savoirs. L’enjeu, au-delà de la compréhension du contenu, se situe dans la relation entre les contenus. Les structures hypertextuelles peuvent être alors considérées comme des structures conceptuelles (« liens cognitifs ») dont les usages dépendent de processus sémiotiques (SIMONIAN, 2003, pp 113-114).
En effet les spécificités de l’hypertexte sont porteurs d’effets cognitifs remarquables (FASTREZ, 2002) :


L’organisation en réseau est celle qui favorisera le mieux la structuration des connaissances (SIMONIAN, 2006).
Nous l’avons déjà évoqué plus haut le concept de ressource est nécessairement associé à celui de guidage, guidage et ressources étant co-construits. En effet, la ressource suggère un apprenant initiateur du processus d’apprentissage […] le guidage doit donc se placer dans la même perspective (DEMAIZIERES, 2005, p. 2). Si le guidage constitue une intervention pédagogique facilitatrice, il est associé alors à une ressource. Ressources d’apprentissage et ressources de guidage co-habitent dans un système au service du processus d’apprentissage.
DEMAIZIERES (2005) propose de s’interroger sur plusieurs dimensions du dispositif reposant sur les TIC dans le cadre de l’apprentissage, et ce, afin de déterminer les formes que peut prendre le guidage approprié au profil des apprenants et à l’objectif même du dispositif :


La forme du guidage mais aussi la construction des ressources resteront cohérents au regard de ces choix interdépendants. En ce sens, la didactique de la discipline est capitale pour un guidage optimum face aux ressources (DEMAIZIERE, 2005).

3.3 Synthèse d’une problématique théorique

Le terme de ressource à l’ère du numérique nous fait naturellement penser à l’inépuisable ressource qu’est la Toile. Dans le contexte de la formation, les ressources sont un des composants de son dispositif et matérialisent les théories de l’apprentissage qui lui sont sous-jacentes (BRODIN, 2003). Pourtant, alors que les cours en présentiel des Directeurs techniques du spectacle en formation à l’ISTS sont emprunts aux théories socio-interactionnistes de l’apprentissage, le fameux dossier « Dir tech », de part son organisation, son ergonomie, ses règles d’utilisation et son objet flous, n’obéit à aucun principe de ces théories.
La conception d’un tel outil technologique doit s’inscrire dans la toile de fond de l’activité humaine et plus particulièrement celle de l’apprentissage (LINARD, 2001). A ce titre, l’outil dédié aux ressources numériques doit être défini comme :


La conception du dispositif reposant sur les TIC ne peut ainsi faire l’économie d’une étude de l’ensemble des sous-systèmes de l’ISTS mettant à disposition un complément informationnel pour les stagiaires, comme celui du centre de documentation. Rassemblant ainsi toutes les « sources » où puisent les stagiaires dans leur activité de recherche d’informations motivée par une préoccupation d’évaluation (la réalisation d’un compte-rendu de cours par exemple) mais aussi par une préoccupation liée à la poursuite de leur activité professionnelle, le dispositif technologique réservé aux ressources constituera un espace d’informations reliées entre elles grâce à une structuration hypertextuelle en réseau (SIMONIAN, 2006).

La construction même des ressources, indissociable de celle du guidage, sera « guidée » par la didactique de la discipline (DEMAIZIERE, 2005). La formation professionnelle des Directeurs techniques de haut niveau oriente une transposition didactique conduisant l’apprenant à problématiser la logique des savoirs en acte (ROGALSKI, SAMURCAY, 1994, p. 6). L’organisation même des savoirs représentera les domaines de préoccupations de la fonction de Directeur technique des entreprises du spectacle.

Un dispositif reposant sur les TIC pour les ressources des stagiaires s’intégrera à leur formation en présentiel si :


Pour autant son utilisation ne peut être effective en raison d’obstacles en lien :


A travers des entretiens individuels de l’ensemble des stagiaires d’une session de formation, nous tenterons de recueillir des informations sur l’activité de recherche d’informations des stagiaires, d’une manière générale dans le cadre de la formation, en prenant appui sur l’expérience du dispositif mis en place par JLM, l’espace « Dir tech ».

4 Méthodologie

L’objectif de l’étude que nous allons mener ne peut prétendre à recouvrir la richesse du réel. En effet nous tenterons de comprendre le sens de l’activité de recherche d’information des stagiaires, de leur comportement. Le matériau que nous recueillerons pourra nous éclairer sur le degré d’importance des obstacles que nous venons de citer et peut-être aussi dévoiler d’autres aspects que nous n’aurions pas abordés.

4.1 Choix de la méthode d’enquête

La difficulté de l’enquête, surtout dans le domaine des sciences sociales, est de trouver la méthode adéquate à l’objet de recherche. Ceci provient de la nature même des matériaux qu’elles permettent de recueillir (GRAWITZ, 2001, p. 363). Mais pas seulement. La méthode, en effet, est un terme utilisé pour caractériser des procédés qui se situent à des niveaux très différents, quant à leur inspiration plus ou moins philosophique, à leur degré d’abstraction, leur but plus ou moins explicatif, leur action sur des étapes plus ou moins concrètes de la recherche et le moment où elles se situent (id., p. 351). Un consensus sur une classification des méthodes est donc difficile à trouver. Tentons d’expliquer de façon rigoureuse notre choix à travers celle proposée par GRAWITZ (2001, p. 361).

4.1.1 Des entretiens semi-directifs des stagiaires

Le cœur de ce travail réside dans l’activité de l’apprenant. Ce que nous allons chercher ne peut avoir pour objectif de vérifier nos hypothèses théoriques, grâce à des indices révélateurs des facteurs mis en cause dans les hypothèses (GRAWITZ, 2001, p. 401.). En effet l’enquête consistera à saisir le sens de l’activité de recherche d’informations, des comportements des stagiaires. Les informations recueillies seront d’ordre cognitif et d’ordre affectif (GHIGLIONE, MATALON, 1998, p. 73). Ces données ne nous permettront pas alors de répondre stricto senso de la validité des hypothèses.
Notre démarche tout au long de ce travail consiste, sous l’angle de vue de l’apprenant, de donner les conditions d’intégration d’un dispositif technologique dédié aux ressources. Pour valider stricto senso ces conditions, à travers les hypothèses théoriques, faudrait-il évaluer l’utilisation d’un dispositif répondant aux critères théoriques énoncés. L’espace « Dir tech » est toutefois un point de départ pour tenter de décrire l’activité de recherche d’informations de chacun des stagiaires. L’enquête n’exige donc pas un traitement particulier des résultats et ne tente pas une explication particulière non plus.
La nature des données détermine celle de notre méthode : la méthode qualitative. L’observation particulière est, elle, déterminée par le type des données : des faits et des attitudes. Si le rôle de la science c’est tout de même atteindre l’explication (GRAWITZ, 2001, p. 406), nous ne pourrons dépasser le niveau de recherche de la description (id., p. 404) .
Des entretiens semi-directifs permettront de donner un cadre de référence à l’enquêté (son activité de recherche d’informations pendant la formation) mais de laisser aussi la place à des idées inattendues et aux particularités des pratiques.

Les entretiens se sont déroulés avec tous les stagiaires à un mois de la fin de leur formation, en mars 2007. L’enquête s’est donc déroulée bien après la description de notre contexte où nous constations, suite à l’observation de l’espace « Dir tech », un usage détourné de l’outil en une plateforme d’échanges de fichiersPropos d'un des stagiaires de la session 2005-2006 entre stagiaires . L’interview des stagiaires de la session suivante ne change en rien l’objectif de notre recherche. Les données que nous cherchons à recueillir sont plus étendues que celles issues de l’observation de l’état du dossier « Dir tech » ; celui-ci ne permet pas, en effet, d’évaluer l’utilisation que les stagiaires en font, aucun moyen n’indiquant la lecture ou la copie de tel fichier mis à disposition par JLM, et effectuée par tel stagiaire. Toutefois, si les besoins de l’analyse s’en font ressentir nous croiserons les données recueillies avec celles issues de l’observation de l’espace « Dir tech » de la saison 2006-2007.
Voici notre grille d’entretien. Celui-ci a été introduit, pour détacher l’enquêteur de sa fonction l’impliquant dans le dispositif de leur formation, comme étant un exercice nécessaire à la réalisation d’un mémoire professionnel. Nous donnons ainsi immédiatement le cadre de référence de l’entretien : les ressources des stagiaires, le dossier « Dir tech ».
Notre grille d’entretien précise des commentaires qui aident l’enquêteur à obtenir un éventuel étayage des réponses de l’enquêté.

Grille d’entretien semi-directif
1/ Utilises-tu « Dir tech » ? Pourquoi ?

A la question « pourquoi », veillez à ce qu’il parle également du domaine de la ressource et de ce qui a animé son intérêt (le mémoire, la pratique professionnelle ?) ou inintérêt

2/ A part les documents sur « Dir tech », y-a-t-il d’autres « ressources » que tu pioches ailleurs ? Quelles sont-elles ?

A la documentation | Par le biais des autres stagiaires (y compris les autres stagiaires à l’ISTS que ceux en DT) | Par le biais d’internet | Par le biais des intervenants | Par le biais des autres coordinateurs ou autre personnel de la maison | Autrement

3/ Y-a-t-il des infos, des outils… d’autres ressources que tu n’as jamais trouvées ? quelles sont-elles ? Pourquoi ne les as-tu pas trouvées à ton avis ?
4/ Quelles remarques fais-tu de l’espace « Dir tech » :
- dans son fonctionnement, l’organisation proposée par JLM ?
- dans son contenu ?
5/ Tout le long de ta formation, les personnes suivantes ont-elles joué le rôle que tu attendais qu’elles jouent : JLM, les formateurs, les autres stagiaires du groupe, le directeur de l’ISTS, le reste de l’équipe ?

4.1.2 Méthode d’analyse du contenu

L’objectif de l’enquête revenant finalement à recueillir les réponses aux questions « quelles informations les stagiaires cherchent-ils à se procurer, de quelles natures sont-elles et qu’est-ce qui motive leur recherche ? Comment y parviennent-ils ? », nous regrouperons les données de chaque entretien sous quatre catégories :

Entendons sous cette catégorie, la place qu’occupent les informations complémentaires aux cours, et ce qui anime leur recherche : a-t-il une attitude de « papivore » ? ou au contraire se contente-t-il des documents pédagogiques fournis par le formateur ?

Nous regrouperons sous ce thème le vécu des stagiaires à propos de cet espace qui leur a été mis à disposition.

Ce thème nous permettra d'identifier les types de ressources que les stagiaires se sont procurés : documents bruts, outils, webographie, bibliographie, conseil oral…

Quelle est l’habitude du stagiaire en terme de recherche, autrement dit quel est sa stratégie pour la recherche d’informations : s’oriente-t-il de façon systématique vers quelle source ? quelles sont ses différentes sources d’informations ?

Nous procèderons ensuite à l’analyse du contenu. Le terme d’ « analyse de contenu » est d’ailleurs très mal adapté pour les méthodes qui l’utilisent et dont la caractéristique est de travailler sur le plus explicite et le plus apparent (KAUFMANN, 2004, p. 18). Il s’agit bien là de notre cas.

Nous serions tentés de procéder à l’analyse verticale et horizontale des entretiens, impulsée par notre choix de codification par thème avec comme unité d’enregistrement, la phrase. L’analyse verticale porte sur chaque sujet séparément : on passe en revue les différents thèmes qu’il a abordés… puis l’analyse horizontale traite chaque thème relevant les différentes formes sous lesquelles il apparaît chez les personnes interrogées. Ces deux types d’analyses, simultanément, constituent bien un mode d’approche de notre problème, mais il reste tout à fait partiel, puisqu’on se contente de deux découpages particuliers du matériel, sans en obtenir une vue globale véritable (GHIGLIONE, MATALON, 2004, p. 199).
C’est pourquoi nous nous efforcerons de procéder à l’analyse horizontale en identifiant les traits communs aux différents entretiens et leurs différences, en les organisant dans la mesure du possible (id., p. 199).

La mise en évidence à la fois des traits communs à chaque thème et des différences exprimés dans les discours de chacun des stagiaires fait donc suite à un premier travail de classement des phrases de chacun d’eux dans les catégories choisies, premier travail que nous avons retranscrit en totalité en Annexe 4. La difficulté réside dans la possible référence d’une seule phrase à plusieurs thèmes; une phrase pourra nous renseigner en effet à la fois sur les domaines auxquelles les ressources font référence et à la fois sur le comportement du stagiaire dans son activité de recherche d’informations.

4.1.3 Les biais de l’enquête

Etant moi-même enquêteur, ma posture crée inévitablement un processus d’influence que nous avons tenté d’endiguer lors du déroulement des entretiens. Ma fonction à l’ISTS est en lien avec le sujet même de l’entretien : étant responsable du centre de documentation, mais aussi parce que je fais parti du dispositif de leur formation, l’interviewé peut manquer de sincérité dans ses propos sur son activité de recherche d’informations. Nous avons en partie (peut-être !) palier aux facteurs d’influence liés à l’enquêteur en réalisant les interviews dans un autre bureau que le sien. Un lieu à l’extérieur de l’ISTS aurait été encore plus efficace mais des contraintes de temps (disponibilité des stagiaires) et d’espace ne nous l’ont pas permis.
D’autre part, les questions font souvent appel à leur mémoire, le discours des interviewés n’est donc pas représentatif de la réalité. De même l’échantillon de l’enquête, comptant huit stagiaires, dont un étranger, ne nous garantit pas l’étendue des réponses possibles.
L’analyse du contenu devra tenir compte de ces biais, et ne pourra prétendre à une objectivation des données.

4.2 L’analyse

4.2.1 Le statut des ressources

Ce qui a essentiellement animé la recherche d’informations dans le groupe vient de l’intérêt qu’ont suscité les intervenants. Pour deux d’entre eux (stagiaires A et B), la préoccupation du mémoire suscite davantage cette activité mais le contexte de l’entretien qui se tient à 15 jours de leur soutenance en est probablement la cause. Pour le stagiaire F, sa grande curiosité lui suffit à aller plus loin, et du coup, les informations recueillies font souvent l’objet d’archivage pour une éventuelle utilisation. A l’inverse, le stagiaire H ne fait pas preuve de boulimie d’informations, et les ressources disponibles, internes au dispositif, se limitent, pour lui, à la documentation pédagogique des intervenants.
Pour susciter l’intérêt de tous, il est évident que le contenu de l’information doit être en lien avec celui du cours de l’intervenant (CRETIN, LAID, 2004).

4.2.2 L’usage de « Dir tech »

L’utilisation, terme employé par les interviewés dans le sens de l’accès au dossier « Dir tech », a été, pour ce groupe, presque inexistante (une fois ; jamais ; copié la convention collective ; non pas du tout ; assez peu ; au début). Quatre paramètres semblent à l’origine de ce constat :

La présentation initiale de l’espace « Dir tech » en début de leur formation, en cours, explique l’accès des stagiaires à ce dossier en début de formation parce qu’elle a suscité la curiosité. Par la suite, le désintérêt s’explique pour les raisons évoquées ci-dessus. Toutefois certains stagiaires ne rejettent pas de façon catégorique l’intérêt d’un espace commun à tous :

Par ailleurs, l’outil a été détourné, comme l’année précédente, puisque les stagiaires se sont réservés un dossier pour l’échange de documents (comme une boîte aux lettres, stagiaire F). Et les problèmes techniques ont été détournée grâce à leur clé usbOutil informatique amovible présentant la fonctionnalité de stockage de fichiers.

4.2.3 La nature et le type de ressources

Lorsque les stagiaires évoquent leurs domaines de préoccupation, nous retrouvons, et cela nous semble logique au vu des responsabilités qui leur incombent, tout ce qui a trait à la réglementation (sécurité –stagiaires A, E, F, H ; le site Internet Legifrance –stagiaire B ; des lois, la réglementation –stagiaire C ; la législation –stagiaire D).
Un type de ressources semble toutefois faire presque l’unanimité et relèvent plus du domaine du savoir-faire : des outils pratiques pour la Direction technique des entreprises de spectacle : les plannings (stagiaires A, B, D, E), des budgets (stagiaire D), ou plus globalement des exemples d’application (stagiaires C, E). Deux d’entre eux évoquent même le besoin de ressources sur la méthodologie de travail (stagiaires A, G), voire la stratégie (stagiaire G).
Nous rangeons dans la même catégorie les autres types de ressources cités, mais qui sont de l’ordre des sources d’informations comme les intervenants (leur document de cours, leur bibliographie) (stagiaire E), les liens Internet (stagiaire B, E, H), la documentation ISTS, la revue de presse de l’ISTS.

4.2.4 L’usage des ressources

Internet
De façon systématique, quasiment tous les stagiaires (sauf le stagiaire B) ont le réflexe d’aller sur Internet lorsqu’ils recherchent une information (ma source 1ère –stagiaire A ; en 1 Internet ! –stagiaire C ; en 2, Internet –stagiaire D ; sur Internet, pas mal –stagiaire E ; c’est ma principale ressource –stagiaire F ; essentiellement sur Internet, je trouve tout sur Internet –stagiaire G). La facilité d’accès est souvent évoquée (ils ont Internet chez eux aussi), ainsi que la facilité de recherche grâce aux moteurs de recherche, enfin la richesse d’informations leur garantit de trouver souvent un résultat à leur recherche.
Un seul stagiaire privilégie le centre de documentation, le stagiaire B. L’outil informatique semble être le frein à l’usage d’Internet et il décrit d’ailleurs un rapport aux livres d’une manière affective : D’aller voir un livre, tu le ramènes déjà, c’est un objet, tu l’as près de ton lit, tu l’ouvres… (stagiaire B).
Deux autres stagiaires utilisent Internet en second lieu après leurs propres ressources (stagiaires D et F).

Les intervenants
Ils sont la deuxième source d’informations pour la moitié d’entre eux (A, C, D, F), tant pour leurs documents pédagogiques (stagiaires A, C), leurs références bibliographiques (stagiaire F), que pour la possibilité d’élargir leur réseau professionnel (stagiaires A, C).

Les stagiaires
Ils sont cités par l’interviewé systématiquement (sauf pour le stagiaire G), parce que le groupe s’est échangé ses propres informations (notamment par la « fameuse » clé usb), ou/et parce que le groupe aide au positionnement du stagiaire dans la formation, ou encore parce qu’il est un soutien psychologique.
N’oublions pas non plus que le principe de l’apprentissage sous-jacent à ce dispositif est celui des interactions ; les cours en présentiel incitent ainsi beaucoup à la confrontation des points de vue, et créent des conflits socio-cognitifs ; l’apprenant trouve alors dans le groupe, en plus d’une source d’outils tels qu’un modèle de planning, de budget…, une « provocation » à l’apprentissage.

Le personnel d’encadrement
La nature des ressources ici est davantage de l’ordre du guidage méthodologique : JLM et le directeur ont apporté des conseils pour l’orientation du mémoire (stagiaire A), ou pour recadrer le stagiaire dans la formation (stagiaire B), moi-même pour conseiller des lectures et orienter les recherches à la documentation (stagiaires B, F).

La documentation
Sauf pour le stagiaire B (source d’informations en première position), ainsi que pour le stagiaire E (source d’informations après Internet), la documentation est peu visitée. Le problème du temps est encore évoqué (stagiaire D), et peut-être la difficulté de recherche en centre de documentation, en raison de son archaïsme , est aussi à l’origine de son mauvais « classement ».

4.2.5 Vers un dispositif de partage des savoirs

L’espace « Dir tech », dossier partagé à disposition de la formation des Directeurs techniques de l’ISTS, a suscité beaucoup de critiques de la part des stagiaires ; d’abord parce que son contenu était pauvre, qu’il n’était pas un support systématique des documents et autres informations de leurs intervenants, enfin parce que ce dispositif n’était pas réactif. C’est sans compter, bien entendu, tous les problèmes techniques qui ont empêché l’accès au réseau .
Les documents déversés par JLM, le responsable de leur formation, sont des documents bruts ; et le risque de vide pédagogique de ce type de documents (DEMAIZIERE, 2003) s’est ainsi révélé ; nous constatons d’ailleurs que la recherche d’une signification de cet espace, les stagiaires l’ont cherché du côté des cours, en s’étonnant de l’implication non systématique des intervenants pour alimenter le dossier.
Les ressources mises à disposition dans un dispositif inscrit en dehors du temps des cours en présentiel doivent prendre appui sur eux (CRETIN, LAID, 2004). Ces ressources, en dehors des documents bruts, toutefois utiles à l’exercice de leur profession, se définissent aussi par des documents pédagogisés, un guidage facilitateur telle qu’une présélection de sites Internet (DEMAIZIERE, 2004).
Les stagiaires associent le terme de ressources aux documents pédagogiques des intervenants, papier ou numérisés, et aux documents bruts telle que la convention collective des entreprises du spectacle ; JLM a conçu l’espace « Dir tech » avec cette même référence, en isolant la médiatisation des « ressources » du dispositif global de la formation.
Or la médiatisation intègre l’ensemble du dispositif de formation, véritable lieu social d’interactions et de coopérations possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique, et ses modes d’interactions propres (PERAYA, 1999, p. 3). En ce sens, l’outil technologique désigne autant la dimension matérielle et technique que socio-cognitif et sémiotique du dispositif.
La scénarisation des ressources numériques, qui n’existeront qu’à travers l’usage qu’en feront les apprenants, est gouvernée par le cycle de l’activité d’apprentissage et doit prendre en compte les domaines que manipule l’utilisateur : l’espace tâche, la navigation et l’apprentissage. Les ressources numériques et leur mise en scène constituent ainsi un espace cognitif, et le cadre sémiotique est alors la toile de fond de leur scénarisation (LINARD, 2001).
Si Internet est la source numéro un pour la majorité des apprenants pour la recherche d’informations, c’est en raison d’une part de la richesse d’informations qui s’y trouve mais aussi, et surtout, parce que la recherche d’informations est formidablement bien instrumentée grâce aux moteurs de recherche mais aussi à la structuration hypertextuelle en réseau.
Si, dans notre conception d’un dispositif reposant sur les TIC, l’objet pédagogique à scénariser est l’information, alors la structure hypertextuelle la plus favorable à la recherche d’informations est la structure en réseau (SIMONIAN, 2006), en raison des effets cognitifs de l’hypertexte sur l’aide à la structuration des connaissances, la personnalisation des parcours et l’organisation des connaissances telles que réappropriées par l’utilisateur (FASTREZ, 2002).
Finalement la question de l’utilité d’un tel dispositif face à Internet peut être légitime. Elle l’est moins si ce dispositif technologique s’intègre à celui existant, pour offrir un large type de ressources dédiées aux préoccupations des directeurs techniques des entreprises de spectacle… à condition de prendre en considération tous ses composants : ceux relevant de l’orientation et des choix pédagogiques, des acteurs et de leur rôle, des activités, des outils et processus ; leurs différentes dimensions permettront d’anticiper les problèmes techniques, organisationnels, pédagogiques et institutionnels (BRASSARD & DAELE, 2003).


En s’attachant à répondre à toutes ces dimensions, nous soulevons notamment la question des acteurs, que nous n’avons pas abordée dans notre travail ; le responsable de la formation, JLM, et moi-même aurons-nous les compétences techniques pour la conception d’un tel dispositif ? Quel rôle jouerons-nous dans l’animation du dispositif ? Quant aux intervenants, extérieurs à l’ISTS, pour la plupart formateurs occasionnels, souhaiteront-il partager leurs ressources ? Sauront-ils les médiatiser et donc octroyer plus de temps à leur conception ?… Tous ces questionnements ont des retombées sur chaque acteur du dispositif dont le comportement, contingent, ne peut se prévoir ; la conduite humaine n’est pas que le produit mécanique de l’obéissance ou de la pression des données structurelles, elle est toujours l’expression et la mise en œuvre d’une liberté, si minime soit-elle (CROZIER, FRIEDBERG, 1977).

Par ailleurs l’enquête a soulevé l’importance des interactions sociales entre stagiaires pour leur apprentissage mais aussi, et surtout, de la mutualisation des savoirs. Ils sont eux-mêmes producteurs de savoirs par les outils qu’ils se construisent pendant l’exercice même de leur profession. La question de l’ouverture du dispositif aux stagiaires en tant que producteurs est capitale, elle pose aussi la question de l’ouverture du dispositif aux anciens stagiaires : les stagiaires en formation regrettent de ne pas avoir accès aux ressources des sessions précédentes ; pourtant les technologies réseaux créent de nouvelles opportunités d’interaction entre les groupes sociaux, interactions qui sous tendent de nombreux apprentissages, formels et informels (MALLET, 2007). Ce travail doit ainsi s’orienter naturellement vers les recherches autour des « communautés d’apprentissage » et d’ « intelligence collective ».

Conclusion

Alors que les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sont devenus des banalités dans de nombreux usages (jeux vidéos, bureautique, multimédia, messagerie électronique), la conception de tels outils et la médiatisation des apprentissages en éducation reste néanmoins un problème.
Les sens premiers du terme TIC le situant d’emblée dans un champ fonctionnel rationnel, d’ordre technique et pratique, aboutissent inévitablement à des tensions si ce terme est associé à l’activité humaine, comme l’acte d’apprendre, dont on sait diffuse et difficile (LINARD, 2002). C’est, à mon sens, cette conception des TIC qui rend si difficile leur intégration aujourd’hui dans les dispositifs de formation, les échecs des expériences amplifiant ces tensions.


Annexes

Les annexes ne sont pas communiquées en ligne





[1] Réponse à un mail envoyé à un stagiaire à la fin de la session 2005-2006 où je lui demandais comment il avait vraiment utilisé le dossier « Dir tech » (je faisais référence aux nombreux fichiers et dossiers créés par les stagiaires), et quel intérêt il lui avait trouvé.


[2] Définition de Wikipédia (relevée le 25 janvier 07) : Claroline est une plate-forme d'apprentissage en ligne (ou LMS) et de travail collaboratif Open Source (sous licence GPL). Elle permet à des centaines d'institutions à travers le monde (universités, établissements scolaires, associations, entreprises...) de créer et d'administrer des formations et des espaces de collaboration en ligne.


[3] Ce modèle, appelé HELICES, s'inspire principalement des théories de Leontiev et de Bruner que LINARD cite dans son article (2001).


[4] LINARD emprunte à Leontiev la théorie de l’activité humaine considérée comme une structure emboîtée de 3 niveaux interdépendants de relations entre sujets et objets : le niveau de l’intention, celui des stratégies et des plans, et, enfin, celui des opérations.


[5] Ces problèmes ont été recensés après l’observation de cas d’intégration des TIC, et constituent en partie le matériau à l’établissement de l’outil conceptuel que les chercheurs décrivent dans cet article. L’outil conceptuel s’est également alimenté des modèles de design pédagogique existants, des entretiens d’enseignants proposant des activités d’apprentissage recourant aux TIC ainsi que de quelques-uns des étudiants utilisateurs.